Sous haute surveillance

La Hongrie assurera la présidence tournante de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2011. Son tour arrive au moment où le gouvernement conservateur de Budapest issu des élections du printemps a pris des décisions politiques qui inquiètent ses partenaires.

 

 

Les opposants au gouvernement de Viktor Orban, le chef du parti conservateur Fidesz qui a remporté les élections législatives du printemps, ne sont pas les seuls à s’inquiéter de la dérive nationaliste et autoritaire de la politique hongroise. Avec 56% des suffrages, le Fidesz a remporté plus des deux tiers des sièges au Parlement monocaméral. Il est en mesure de réformer la Constitution sans être obligé de se mettre d’accord avec les socialistes et les libéraux, héritiers des dissidents opposés au régime communiste qui sont les grands perdants de la dernière consultation.

Toutefois Viktor Orban n’a pas attendu la réforme de la Constitution pour s’attaquer à l’indépendance de la Banque centrale dont le président était sceptique sur sa politique économique, pour « nettoyer » l’administration de tous les éléments considérés comme compromis avec le précédent gouvernement socialiste, pour transformer la présidence de la République en annexe du parti majoritaire et pour faire main basse sur les fonds de pension privés.

Pour lutter contre le déficit public, Viktor Orban ne fait confiance qu’à lui-même. Il a claqué la porte au nez du FMI, qui pourtant a été déjà appelé pour sortir le pays de ses difficultés financières, et il manifeste sa méfiance vis-à-vis de l’Union européenne, au moment même où la Hongrie doit la présider.

La plaie de Trianon

Ce n’est pas la seule manifestation de nationalisme, voire de chauvinisme, du nouveau pouvoir à Budapest. Viktor Orban a soulevé l’inquiétude de ses voisins roumains et slovaques en promettant de remettre des passeports de la République de Hongrie à tous les Hongrois d’origine vivant dans des territoires qui avaient appartenu à la Hongrie avant la Première guerre mondiale. En 1920, la Hongrie a perdu les deux tiers de son territoire et la moitié de sa population, à la suite du traité de Trianon. Cette amputation reste une plaie ouverte que les gouvernements de Budapest peuvent soigner ou réveiller. De toute évidence, Viktor Orban a choisi la deuxième voie, avec le risque de tendre les relations avec deux Etats voisins, également membres de l’UE, qui ont sur leur territoire des minorités hongroises, plus ou moins bien intégrées.

Euroscepticisme ?

Les observateurs s’interrogent sur l’engagement européen du nouveau gouvernement et de son chef, Viktor Orban, qui a déjà été premier ministre au moment des négociations d’adhésion. Les autorités ne sont intéressées que très récemment à la présidence de l’UE, remarquent-ils, alors que beaucoup de hauts fonctionnaires spécialistes des questions européennes ont perdu leur poste à cause du système des dépouilles, systématiquement mis en œuvre par le gouvernement conservateur. A la conférence des ambassadeurs hongrois dans le monde, qui s’est tenue à Budapest à l’automne, il ne fut à aucun moment question de la présidence européenne, note un spécialiste hongrois de l’économie mondiale, qui ne passe pas, il est vrai, pour un ami du nouveau pouvoir.

« Nous sommes dans le bateau occidental mais le vent vient de l’Est », serait une des phrases le plus souvent entendue dans l’entourage du gouvernement. Autrement dit, la Hongrie ne doit pas regarder seulement vers Bruxelles mais tenir compte aussi de sa dépendance, notamment énergétique, vis-à-vis de la Russie, dans l’équilibre de son action diplomatique. Ce syndrome russe peut paraître étonnant de la part d’une équipe farouchement anticommuniste mais il est symbolique de la méfiance que les conservateurs hongrois nourrissent à l’égard d’une Europe supranationale dont ils craignent l’ingérence dans leurs affaires intérieures.

Cette crainte n’est peut-être pas déplacée. Le Parlement européen et la Cour de justice de Luxembourg pourraient bien être amenés à s’intéresser de plus près à la compatibilité entre des décisions du gouvernement de Budapest et les règles communautaires. Certaines d’entre elles, si elles avaient été prises alors que la Hongrie négociait son entrée dans l’UE, lui aurait sans doute barré la route de l’intégration. Aujourd’hui, elle ne risque guère que quelques remontrances mais ce n’est pas glorieux quand on préside justement l’institution qui vous punit.