Sursaut civique en Roumanie

La majorité des électeurs roumains – près de 55% – s’est prononcée pour un renouveau de la vie politique dans un pays où la vieille nomenklatura communiste a tout fait pour garder le pouvoir. Au deuxième tour, elle a porté à la tête de l’Etat Klaus Iohannis, 55 ans, le maire de la ville de Sibiu en Transylvanie. Victor Ponta, le Premier ministre et candidat du Parti social-démocrate, héritier du Parti communiste de Ceausescu, a été battu, bien qu’étant arrivé largement en tête au premier tour.
Klaus Iohannis doit son succès à un sursaut civique des Roumains. Les Roumains de l’étranger et les jeunes se sont particulièrement mobilisés en sa faveur. Il partait pourtant avec un handicap apparent que son adversaire ne s’est pas fait faute d’exploiter. Il appartient à la petite communauté allemande de Roumanie (moins de 0,3% des 19 millions d’habitants) et il est de confession luthérienne dans un pays à majorité orthodoxe. Victor Ponta avait appelé les électeurs à voter pour « vrai » Roumain et non pour un « Allemand » et l’Eglise a pris fait et cause pour un « chrétien orthodoxe ».
C’étaient les moindres reproches qui lui ont été adressés au cours d’une campagne de diffamation où il était accusé d’avoir vendu des enfants à des trafiquants d’organes ou de profité de s’être enrichi avec l’argent public dans des affaires immobilières douteuses.
Les excès se sont retournés contre leurs auteurs. Être traité « d’Allemand » a servi plus que nui à Klaus Iohannis. Le maire de Sibiu (Hermannstadt en allemand) a construit sa réputation d’édile intègre en faisant de sa ville, où il a été réélu trois fois, une des plus belles de Roumanie. Les ordures sont ramassées, les maisons ont été restaurées avec des subventions de l’Union européenne, qui n’ont pas été empochées par des intermédiaires, et des investisseurs étrangers sont arrivés.
Les Roumains attendent maintenant que Klaus Iohannis introduise chez eux les « vertus allemandes », comme l’ardeur au travail et l’honnêteté. Ce qu’il a réussi dans sa ville pourra-t-il être étendu à tout le pays, qui souffre d’une corruption galopante et d’une pauvreté endémique, malgré les aides venues de Bruxelles.
Victor Ponta, qui reste au moins provisoirement à la tête du gouvernement, est impliqué dans plusieurs affaires de corruption. Il est accusé d’avoir voulu profiter de son élection éventuelle à la présidence pour mettre au pas une justice qui s’intéresse de trop près aux turpitudes des anciens dirigeants, malgré la nomination d’une procureure indépendante.
C’est avec ce mélange de nomenklatura postcommuniste, d’affairisme et de confiscation du pouvoir par les clans que les Roumains ont voulu rompre en élisant un personnage non-conformiste qui s’est fixé un objectif inimaginable : transformer la Roumanie en un Etat européen « normal ».