Syrie, Irak : les regrets de François Hollande

Rien ne sert de discourir sur les critères, les bienfaits et les risques des interventions armées extérieures, il faut agir et par exemple convoquer une grande conférence internationale sur la stratégie à adopter face à l’avancée de l’Etat islamique en Syrie et en Irak. Telle est la position défendue par François Hollande dans son entretien avec Le Monde du 21 août. Telle est la proposition qu’il détaillera sans doute la semaine prochaine à l’occasion de la conférence annuelle des ambassadeurs français.

Il n’en reste pas moins que, dans le même entretien, le président de la République laisse percer des regrets. « La communauté internationale porte une responsabilité très grave dans ce qui se passe en Syrie, dit-il. Si, il y a deux ans, il y avait eu une action pour installer une transition, nous n’aurions pas eu l’Etat islamique. Si, il y a un an, il y avait eu une réaction des grandes puissances à la hauteur de l’utilisation [par Bachar Al-Assad] des armes chimiques, nous n’aurions pas été face à ce choix terrible entre un dictateur et un groupe terroriste. »

Il rappelle ainsi que ce qu’il désigne par litote comme « la communauté internationale », c’est-à-dire les Occidentaux, n’ont pas apporté à l’opposition laïque et démocratique syrienne l’aide qui lui aurait permis de lutter contre le régime de Damas et de contenir la poussée des djihadistes. Aujourd’hui cette opposition et son bras armé, l’Armée syrienne libre, se battent le dos au mur contre deux ennemis. Ils sont en passe de perdre leur dernier bastion d’Alep, laissant face à face les forces de Bachar el-Assad et les extrémistes radicaux. Ceux-là mêmes qui ont pris le contrôle d’une grande partie du nord de l’Irak. Si la France, comme le reconnaît maintenant le chef de l’Etat, a livré des armes à l’ASL, force est de constater qu’elles ont été insuffisantes pour renverser le rapport de forces.

Le deuxième regret de François Hollande est que « les grandes puissances » n’aient pas riposté fermement à l’utilisation par Assad des armes chimiques. Les « grandes puissances », lisez la Grande-Bretagne et surtout les Etats-Unis. Il ne s’agit pas d’une autocritique de la part du chef de l’Etat qui, en août 2013, s’était déclaré partisan de frappes aériennes sur les forces syriennes et avait affirmé la disponibilité de la France pour y participer. Barack Obama lui-même avait fixé l’utilisation des armes chimiques comme une ligne rouge à ne pas dépasser. Par crainte d’être entrainé dans une aventure à l’irakienne, il a saisi la proposition russe de détruire le stock syrien d’armes chimiques, offrant du même coup un ballon d’oxygène au pouvoir de Damas allié de Moscou et laissant le champ libre aux djihadistes. La critique implicite de François Hollande rejoint celle prononcée par Hillary Clinton à l’encontre du président américain.

Des frappes occidentales ciblées sur les troupes ou les installations du régime syrien auraient-elles épargné à Barack Obama la décision de se réengager en Irak qu’il voulait justement éviter ? Il est impossible de dire ce qui ce serait passé si… « Ce n’est pas parce que nous avons un marteau que tous les problèmes sont des clous », aime à dire Barack Obama. Certes. Mais il n’en est pas moins clair que, parfois, le coût de l’inaction peut être supérieur aux risques de l’action.