UE/Chine : changer de discours et de pratiques

Il est temps pour l’Union européenne de traiter la Chine non comme la puissance émergente qu’elle fut mais comme la puissance mondiale qu’elle est devenue. Telle est la principale conclusion du rapport de deux chercheurs, John Fox et François Godement, publié par l’European Council on Foreign Relations (www.ecfr.eu), à la veille du sommet UE-Chine de Prague (20 mai 2009).

La stratégie européenne, expliquent les auteurs, est fondée sur l’idée anachronique que la Chine, sous l’influence de l’Europe, va libéraliser son économie et démocratiser sa politique. Cette stratégie a entraîné une série d’accords bilatéraux et de communiqués communs mais la politique chinoise a continué d’évoluer à l’encontre des valeurs européennes. 

L’UE doit donc passer d’un « engagement inconditionnel » qui permet à la Chine de bénéficier des avantages de la coopération sans rien céder, ou presque, en échange, à un « engagement réciproque » qui réponde aux intérêts des deux parties. L’engagement inconditionnel, selon les deux chercheurs, n’a pas rapporté grand-chose à l’UE, que ce soit dans la satisfaction de ses intérêts immédiats ou dans la recherche de plus larges convergences politiques. 

Encore faudrait-il que l’Union européenne définisse une position commune. Les auteurs distinguent quatre groupes de pays en Europe. Les deux premiers sont les « industrialistes résolus » (assertive industrialists), comme l’Allemagne, la Pologne ou la République tchèque, qui sont les seuls à vouloir tenir tête à la Chine sur le double plan économique et politique, et dont l’approche pourrait servir de modèle à l’UE ; et les « libre-échangistes idéologiques » (ideological free-traders), tels que le Danemark, la Suède, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, qui sont les plus critiques sur le plan politique et les plus opposés à toute forme de restrictions commerciales. Viennent ensuite les « mercantilistes accommodants » (accommodating mercantilists), tels que l’Italie, l’Espagne ou la France au temps de Jacques Chirac, qui donnent la priorité à de bonnes relations avec la Chine au nom de considérations économiques, sans exclure des mesures protectionnistes ; et les « suivistes européens » (European followers) qui s’en remettent à l’UE pour leurs relations avec Pékin.

A noter : la France de Nicolas Sarkozy est jugée trop incertaine pour être rattachée à l’un de des quatre groupes.

Le rapport invite les Etats européens à s’entendre sur une attitude de plus grande fermeté afin de rééquilibrer les relations économiques entre l’Europe et la Chine, d’améliorer la coopération avec Pékin dans trois domaines-clés - la lutte contre le réchauffement climatique, la gestion de la question iranienne, le développement de l’Afrique - et d’obtenir des avancées dans le domaine des droits de l’homme : usage de la peine de mort, détention sans jugement, protection de la liberté religieuse, réconciliation au Tibet...