Un Français parle aux Français

Francis Rosenstiel, ambassadeur de bonne volonté du Conseil de l’Europe et président-fondateur du Forum pour l’Europe démocratique, livre régulièrement ses réflexions à Boulevard Extérieur.

En ce début d’année 2010, la lecture de la presse, et la relecture de mes propres interventions des années durant sur des sujets d’actualité nationale ou internationale me donnent le tournis et m’interpellent tout à la fois !

Si ce n’était une banalité, l’on serait tenté de dire et de redire, "plus cela change, plus c’est la même chose !"

Rien n’y fait, la réalité et ses censeurs ne se lassent pas les uns des autres ; le monde tourne... en rond à tous égards !

Il n’est de thème qui ne revienne, à peine épuisé, essoré, ressassé.

Rien ne lasse les Nôtres et leurs progénitures.

 Sans cesse régénéré, d’un coup de baguette magique, la grande litanie des liturgies sacrées ou profanes refait surface mobilisant pêle-mêle les mêmes auditoires et jonglant avec des contradicteurs identiques ou différents.

 Pourtant il n’y a pas que je sache d’Alzheimer collectif ! Dans l’affirmative, pourtant, le génial "découvreur" d’une éventuelle molécule-miracle ferait bien d’entrer en clandestinité !

Que n’existe-t-il en société une comptabilité des sujets laminés, qu’une main experte et souveraine cocherait de temps à autres !

Mais, déjà, je délire, il se trouverait bien quelqu’un pour lui dérober rageusement le crayon !

 Qu’on y songe, la démocratie est sans doute aussi une vaste buanderie/blanchisserie où les blancheurs se suivent et ne se ressemblent pas ; quant à l’amidon, il n’y a point droit de Cité !

Les coquetteries citoyennes ou partisanes, quant à elles, paraissent indifférentes aux modes ou bien alors se plaisent à cultiver alternativement éclectisme et amnésies !

Faut-il dès lors multiplier les exemples d’actualité, pour illustrer la banalité récurrente de ce propos ?

La souveraineté nationale, la citoyenneté, l’identité nationale ou l’émergence d’une incertaine identité européenne, les laïcités contradictoires face au défi républicain, les intolérances et les profanations....la liste est interminable et demeure toujours pertinente. Ces sujets pourtant rassembleurs n’en finissent pas de diviser. Il en faut décidément beaucoup pour que ce pays serre vraiment les coudes !

Devant ce grand chaudron s’agitent parfois d’étranges marmitons et gâte-sauces de bien singulières cuisines, des voyeurs aussi !

En politique pourtant, il n’y a ni diète ni nouvelle cuisine, mais tout "simplement" des boulimies contradictoires et souvent incontrôlables.

 Si d’aventure le Maître- d’hôtel s’aventurait à crier : "ne vous précipitez pas, il y en aura pour tout le monde et pour tous les goûts", il est fort à parier qu’il ne serait pas cru.

On a comme le sentiment que la France du quotidien a du mal avec elle-même. Ce pays rechigne souvent dans l’effort et brigue en toute matière le prêt à consommer, "cracher dans la soupe" reste cependant une expression bien de chez nous !

On a présente à la mémoire la judicieuse remarque du Général de Gaulle constatant avec amertume la difficulté de diriger un pays comptant quelques centaines de fromages !

Et dire que nos amis allemands aiment à dire "vivre comme Dieu en France" ; il serait alors judicieux de rappeler que les voies du Seigneur sont impénétrables".

 Mais laïcité républicaine et transfontalière oblige, il ne faut pas confondre le sacré et le profane !