Un Pape allemand à Yad Vashem

Les gestes et les discours de Benoit XVI en Terre Sainte étaient particulièrement attendus, parce que, comme l’écrit Der Spiegel, « c’est la première et la dernière fois qu’un pape allemand, qui a vécu la guerre et l’époque nazie en tant qu’adulte, parle à Yad Vashem ».

« Nous sommes pape ! », avait titré le premier quotidien allemand Bild Zeitung (4 millions d’exemplaires), au lendemain de l’élection du cardinal Joseph Ratzinger au trône de Saint Pierre le 12 avril 2005. Les Allemands étaient fiers que l’un des leurs devienne le chef de l’Eglise catholique et chacun se sentait un peu réhabilité par cet honneur. Après le voyage de Benoît XVI au Proche-Orient, le quotidien de Francfort Frankfurter Allgemeine Zeitung revient sur la même idée que son confrère populaire : chaque Allemand est un peu pape et sait ce que le souverain pontife aurait dû faire, dire ou ne pas dire au cours de sa visite en Jordanie, en Israël et dans les territoires palestiniens.

Or dans leur grande majorité les concitoyens de Benoît XVI sont assez sévères avec « leur » pape. Ils lui reprochent ne n’avoir pas été à la hauteur de l’événement. Peut-être, ainsi que le note la FAZ, parce que Benoît XVI est avant tout un théologien qui n’a pas ce don de la communication qu’avait son prédécesseur. Il a lu d’un ton monocorde, « comme s’il lisait le texte d’un autre » (Der Spiegel), le discours à Yad Vashem. La presse allemande est d’accord avec Tom Seguev, le directeur du mémorial : le texte était « froid et abstrait ». Le choix des mots était parfois maladroit. Ainsi le pape a-t-il parlé de la « tragédie » de la Shoah au lieu de nommer le « crime ». Il n’a pas dit un mot des bourreaux ni de l’attitude de l’Eglise, soulignent la plupart des journaux, qui mentionnent toutefois que lors de ses adieux en Israël, Benoît XVI a été plus explicite sur le sort des juifs.

Il ne pouvait pas se comporter autrement, écrit le quotidien conservateur Die Welt, qui est pratiquement seul à défendre l’attitude du pape. Tous ses confrères expliquent qu’il s’est d’abord voulu un « pèlerin ». Mais dans les territoires palestiniens, à Bethléem notamment, il est sorti de ce rôle de témoin pour prendre des positions ouvertement politiques qu’il a présentées avec plus d’ardeur et de conviction que les paroles de contrition prononcées en Israël. Il a su alors trouver « le ton et les mots justes », écrit le quotidien de Munich Süddeutsche Zeitung. En revanche, ces paroles ont laissé en Israël « un arrière-goût amer ».

Politiquement, relève la presse allemande, le pape ne s’est pas engagé plus que Barack Obama en faveur de la coexistence de deux Etats, juif et palestinien. Il a dit sa douleur devant le mur de séparation entre Israël et les territoires et appelé à la fin de la violence. Il a sans doute rempli son double rôle de chef spirituel de l’Eglise catholique et de chef de l’Etat du Vatican. Mais il a fait une fois de plus la démonstration qu’un Allemand n’est pas en Terre Sainte un visiteur comme un autre, tout pape qu’il soit.