La place de la France dans l’OTAN après son retour dans le commandement militaire intégré a été une référence permanente du secrétaire général. Alors que la politique de Nicolas Sarkozy a été critiquée comme une rupture avec l’héritage gaulliste, aussi bien par les tenants du gaullisme pur et dur que par la gauche, la polémique s’est apaisée. Les partisans de la réintégration font valoir que la France est plus influente au sein de l’organisation atlantique qu’elle ne l’était auparavant et que la défense européenne, dont Anders Rasmussen se veut un fervent soutien, devrait y gagner.
Ces nombreuses références n’étaient pas seulement un geste de politesse de la part du premier responsable de l’OTAN. Elles étaient aussi le symbole de l’évolution du dialogue transatlantique. Anders Rasmussen a souligné ce que disait le président de la République dans son discours en faveur du rapprochement de la France et de l’OTAN, prononcé en mars 2009 à l’Ecole militaire de Paris : « Présentons l’Europe de la défense comme une alternative à l’alliance avec les Etats-Unis, et on est sûr qu’on tue l’Europe de la défense. Présentons l’Europe de la défense comme une action complémentaire de l’alliance avec les Etats-Unis, et on pousse en avant l’Europe de la défense ».
Cette complémentarité devrait apparaitre dans les changements que le secrétaire général est en train d’introduire dans l’Alliance, concernant aussi bien la modernisation des moyens de défense que les structures de commandement. Ces vastes chantiers devraient être avalisés lors du prochain sommet de l’OTAN, à Lisbonne fin novembre.
Parmi ceux-ci, le secrétaire général de l’OTAN a cité la « cyber défense » face à une menace actuelle et réelle, dont l’OTAN fait elle-même les frais – une centaine d’attaques sont lancées quotidiennement contre les systèmes informatiques otaniens. Les Etats membres de l’Alliance sont donc appelés à moderniser leurs capacités défensives dans ce secteur. Une des questions qui devrait être discutée à Lisbonne est de savoir si « une cyber attaque » contre un des membres de l’OTAN serait un cas susceptible de déclencher l’article 5 du traité de Washington. Celui-ci prévoit que toute menace contre un des membres de l’Alliance sera considérée comme une menace contre tous les autres membres. Il n’a été utilisé qu’une seule fois en soixante ans : après les attentats du 11 septembre 2001.
« Une coalition de défense ne peut être forte que si ces membres sont eux-mêmes forts », a d’autre part rappelé Anders Rasmussen. C’est un rappel à l’ordre pour les pays européens que la crise financière et économique pousse à réduire encore des budgets de défense, déjà bien inférieur, en pourcentage du PIB, à celui de leurs alliés américains. L’autre domaine visé est la défense antimissile. « Les missiles balistiques sont une menace qu’il faut prendre en compte, d’autant plus que bon nombre d’Etats potentiellement rivaux [de l’Occident] sont en train de s’en doter », a-t-il rappelé.
La défense antimissile
Pour Anders Rasmussen, la mise en place au sein de l’Alliance une défense antimissile ne remplacerait pas la dissuasion nucléaire, mais en serait un complément nécessaire. Le coût supplémentaire est évalué à 200 millions d’euros, à répartir entre 28 nations et ce sur 10 ans. Ces chiffres permettent « donc d’avoir une sécurité forte, et ce pour un coût acceptable ». Certains doutes demeurent toutefois, sachant que le développement d’un engin intercepteur de missile coûterait à lui seul environ 50 millions d’euros.
Le financement de ce système éventuel n’est pas la seule préoccupation des pays sceptiques par rapport à cette proposition. La France, qui a une force nucléaire indépendante, a plus confiance dans les vertus de la dissuasion et se méfie de la vision développée en 2009 par le président Obama dans son discours de Prague d’un monde dénucléarisé.
L’Afghanistan
Anders Rasmussen a par ailleurs rappela l’importance de poursuivre les efforts de l’Alliance en Afghanistan et même d’intensifier les opérations militaires. Son point de vue est clair : afin de vaincre la menace talibane et de restaurer la stabilité dans la région, il faut intensifier les raids militaires, aller chercher les talibans là où ils se cachent, et démanteler leurs réseaux par la force.
C’est à une guerre d’usure que la coalition va donc devoir faire face, loin d’être gagnée étant donné le caractère déterminé de l’ennemi et les complicités qu’il peut trouver dans un pays voisin. Les récentes pertes essuyées par le contingent français engagé dans l’ISAF (la force internationale de stabilisation) ne cessent pourtant pas d’être inquiétantes. Cinquante soldats français sont morts en Afghanistan depuis 2001.
L’année 2010 a été la plus meurtrière pour la coalition. « L’afghanisation » du conflit, c’est-à-dire le transfert progressif des tâches de sécurité aux forces armées afghanes, qui est aujourd’hui le but affiché des Américains et de leurs alliés, ne progresse que très lentement, jetant un doute sur la possibilité évoquée par Barack Obama d’un premier retrait des troupes américaines à partir de la mi-2011.