Un ’’partenariat oriental’’ trop timide

L’UE a adopté jeudi 7 mai à Prague un "Partenariat oriental" avec l’Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Mais l’UE doit aller plus loin, au risque de perdre de l’influence dans cette région qui a été très durement touchée par la crise économique, à laquelle se sont superposés troubles politiques internes et dangers sécuritaires. Les voisins orientaux ne ressemblent pas aux Etats d’Europe centrale qui négocièrent leur accession à l’UE dans les années 1990. 

Que faire des six pays du flanc oriental de l’Europe qui, après les expansions successives de l’UE en 2004 et 2007, se trouvent enclavés entre l’Union européenne et la Russie ? Peu de nouvelles ressources ont été allouées au "Partenariat oriental", et son budget reste limité (600 millions d’euros pour les six pays sur quatre ans). L’objectif est de produire un signal positif pour le voisinage oriental, de modifier le climat des discussions communautaires sur le sujet et d’attirer la région, par l’aide qui lui sera octroyée, dans l’orbite européenne.

L’offre a déplu à la Russie. Mais Bruxelles se trouve embarrassée : les dirigeants de la région qui ont accepté de se rendre à Prague jeudi ne sont pas les mieux placés pour montrer ces six pays sous leur meilleur jour. Le Président ukrainien Viktor Iouchtchenko a une cote de popularité d’environ 5% après avoir mené son pays de crise en crise depuis la « Révolution orange » de 2004. Mikheil Saakashvili, le Président géorgien, est sous pression suite à la désastreuse guerre contre la Russie et la débâcle de son gouvernement. En mars 2009, le referendum organisé par le Président azerbaïdjanais Ilham Aliyev a ouvert la voie à une présidence à vie. Mais la palme revient certainement au « dernier dictateur d’Europe », le Président biélorusse Alexandre Loukachenko, dont le pays ne figurait même pas dans la politique de voisinage.

Dans les six pays concernés, l’Etat est faible, le gouvernement l’est souvent encore plus, et l’absence de consensus sur leur destin européen ne permet pas de mener les réformes difficiles que menèrent la Pologne, la Slovaquie et les Etats Baltes. Le Partenariat oriental est considéré par beaucoup à l’Est comme une simple réponse de l’UE à la crise économique globale, et non comme une stratégie faite sur mesure pour la région. La focalisation technocratique de l’UE sur les réformes structurelles a néanmoins produit certains effets : les six Etats, à l’exception de la Biélorussie, commercent aujourd’hui plus avec l’UE qu’avec la Russie. Mais ces réalités économiques ne se traduisent pratiquement pas en changements politiques.

Conflits d’influence

La Russie, elle, a changé son approche de la région et déploie désormais tous les leviers de pouvoir et d’influence dont elle dispose – à l’instar des moyens colossaux qu’elle a accordés à la sécurisation des bases militaires de chacun des six pays. Elle agit parfois comme l’UE, mais mieux, notamment en ouvrant plus largement son marché du travail. Elle joue moins la contrainte et plus la séduction qu’auparavant : elle offre assistance économique, garanties de sécurité et propose une idéologie de la « démocratie souveraine » qui satisfait nombre d’élites postsoviétiques. 

Le partenariat oriental de l’Union européenne est une initiative bienvenue mais n’en est qu’au stade d’un instrument technocratique. L’UE dit vouloir aider à construire des « institutions publiques occidentales » et transformer les économies d’Europe de l’Est au moyen d’ambitieux accords commerciaux libéraux. Toutes ces promesses sont excellentes, mais l’UE doit aller plus vite. Elle doit affirmer sa volonté de renforcer ces Etats faibles et les aider à surmonter leurs crises ; appuyer la construction démocratique plutôt que de traiter ces pays comme des réceptacles pour politiques bruxelloises. Pour prolonger le travail du Sommet, l’UE pourrait promouvoir des rencontres entre ministres de l’intérieur pour parler immigration, visas et contre-terrorisme ; elle pourrait également chercher à intégrer l’Ukraine et la Moldavie dans le marché européen de l’énergie.

L’alternative, c’est une zone d’instabilité dans ce qui constitue, somme toute, le voisinage direct de l’Europe. Et, comme on le voit pour les Etats-Unis et le Mexique, les écarts grandissants en termes de niveau de vie, de bonne gouvernance et d’état de droit finissent inévitablement par affecter les deux côtés d’une frontière. La politique orientale de l’UE ne doit pas être prise pour de la philanthropie, mais bien comme une stratégie qui promeut des intérêts paneuropéens clairement définis.