Un progrès vers une politique extérieure européenne ?

Les nouveaux titulaires des principales responsabilités au sommet de l’Union européenne sont maintenant en place depuis la fin de l’année dernière. L’ancien Premier ministre polonais Donald Tusk comme président « stable » du Conseil européen, Jean-Claude Juncker comme président de la Commission de Bruxelles et Federica Mogherini à la tête de la diplomatie européenne. La répartition des rôles au sein de ce trio laisse présager des progrès dans la mise en œuvre d’une politique extérieure de l’UE.

Les nouveaux arrivants doivent prendre leurs marques et définir leur poste, aussi par contraste, ce qui ne veut pas dire par opposition, avec leurs prédécesseurs. A la tête de la Commission de Bruxelles, l’ancien Premier ministre luxembourgeois, le chrétien-démocrate Jean-Claude Juncker, s’est donné pour objectif de relancer la croissance européenne et de sauver le modèle social européen en le réformant. Contrairement à José Manuel Barroso auquel il a succédé, il ne se pique pas de politique étrangère. Son ambition n’est pas d’être reçu à la Maison blanche à l’égal des chefs d’Etat.
En revanche, « l’autre » président de l’Europe, Donald Tusk, est plus intéressé par la diplomatie que son prédécesseur le Belge Herman Van Rompuy. Ce dernier, qui inaugurait le poste de président « stable » du Conseil créé par le traité de Lisbonne, a dû s’inventer un rôle. De plus, il a eu à piloter les réunions des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne à travers la crise financière qui ne lui a guère laissé de temps pour l’action extérieure.
Critiquée au début pour son indulgence supposée vis-à-vis de la Russie, Federica Mogherini s’est vite imposée comme la cheville ouvrière de la politique extérieure commune. La Haute représentante pour la PESC est en même temps vice-présidente de la Commission, depuis le traité de Lisbonne. C’est ce que dans le jargon bruxellois on appelle « la double casquette ». Comme Catherine Ashton qui a inauguré ce poste en 2010, Federica Mogherini est en même temps représentante du Conseil européen (instance intergouvernementale) et membre de la Commission (instance communautaire).

Deux cultures

Ce n’est pas seulement une distinction formelle ou bureaucratique. C’est l’expression de deux cultures différentes qu’il s’agit de faire coexister et si possible coopérer. Il en va de même du Service européen d’action extérieur (SEAE) qui a été créé de manière concomitante avec ce ministre européen des affaires étrangères qui ne dit pas son nom. Le SEAE qui compte plusieurs milliers de fonctionnaires est composé à la fois de personnels issus de la Commission et de diplomates envoyés par les vingt-huit Etats-membres. Les premiers respectent des procédures consommatrices de temps et d’énergie ; les seconds ne réfléchissent qu’en termes géopolitiques. Le défi est de concilier deux modes de travail, reconnait un habitué du sérail.
Federica Mogherini se heurte aux mêmes obstacles. Elle a décidé de jouer pleinement son rôle de vice-présidente de la Commission. Par exemple en organisant des réunions régulières de coordination avec tous les commissaires concernés par l’action extérieure de l’UE. Une innovation qui n’est pas du goût de tous, plus habitués à appliquer des directives techniques qu’à participer à des discussions stratégiques. A cette division s’ajoutent les divergences entre Européens, qu’ils travaillent à Bruxelles ou dans les Etats-membres, touchant à la politique étrangère.

Un emploi du temps de ministre

La nouvelle Haute représentante est présente sur tous les fronts. Contrairement à la baronne Ashton, elle ne répugne pas à se présenter devant la presse ou à s’expliquer devant le Parlement européen. Elle a l’agenda d’un véritable chef de la diplomatie d’un grand pays moderne, qui parcourt des milliers de kilomètres par an. Catherine Ashton avait centré son action sur deux dossiers : le nucléaire iranien et le rapprochement de la Serbie et du Kosovo. Avec quelque succès.
Le but de Federica Mogherini est non seulement d’impulser des discussions politiques entre les Vingt-huit, comme elle vient de le faire avec son papier sur les relations avec la Russie qui a reçu un accueil mitigé, mais de donner un vrai visage à la politique extérieure de l’Union. C’est un premier pas. Insuffisant. Il faut aussi lui donner un contenu. Ce sera sans doute le plus difficile.