Les Grecs se sont prononcés en majorité pour l’Europe et l’euro mais ils ont infligé une dure punition aux deux grands partis qui se partageaient le pouvoir depuis la chute du régime des colonels en 1974. Le centre-droit et la gauche socialiste ont perdu, ensemble, plus de la moitié de leurs suffrages. La Nouvelle démocratie et le PASOK totalisent 32% des voix contre 77% lors du dernier scrutin de 2009. Ils paient certes leur soutien au programme d’austérité imposé par la « troïka » (Banque centrale européenne, Fond monétaire international et Commission européenne) mais aussi, et peut-être surtout, le système clientéliste qu’ils entretenaient depuis plus depuis plus de trente-cinq ans. Les Grecs, à tous les niveaux de la société, en profitaient. C’était pour eux le seul moyen de s’en sortir : fraude fiscale, népotisme, corruption. Ils n’en étaient pas fiers pour autant. La quasi-faillite de leur pays, dont ils font porter la responsabilité aux hommes politiques qui les ont dirigés pendant des décennies, a provoqué un sursaut d’indignation.
Le principal bénéficiaire est la coalition d’anciens communistes réformistes, d’écologistes et de gauchistes pro-européens. Sous le nom de Syriza (radical), ils se sont regroupés et ont réussi à sortir de l’ombre du PASOK, pour s’imposer comme la deuxième force politique du pays. De quelque 4% en 2009, Syriza passe à 16,66% des voix, juste derrière la Nouvelle démocratie (19,66 %) mais devant les socialistes (13,31% contre 43,9% en 2009).
Ceux-ci sont les grands perdants du scrutin de dimanche. Ils sont tenus pour responsables à la fois de la déclaration de quasi-faillite et de la potion amère qui a été imposée par la communauté internationale pour la dépasser. C’est en grande partie injuste. L’ancien chef du PASOK, Georges Papandréou, a eu l’honnêteté de reconnaître la gravité de la situation et de proposer des solutions, après avoir, il est vrai, mené en 2009 une campagne pleines de belles promesses. Son successeur à la tête du Parti, Evangelos Venizelos, n’a pas réussi à remonter la pente de l’impopularité. Mais le gouvernement de centre-droit de Costas Caramanlis, qui a été au pouvoir de 2004 à 2009, porte aussi une grand part de responsabilité dans la débâcle et dans le maquillage des comptes publics.
Antonis Samaras, le chef de la Nouvelle démocratie, qui va tenter de former un gouvernement bien qu’il n’ait pas de majorité au Parlement, a tenté de jouer sur les deux tableaux. Dans un premier temps, il avait durement attaqué la politique de Georges Papandréou et refusé de souscrire au programme d’austérité imposé par les créanciers de la Grèce. Il comptait bien recueillir les fruits électoraux de ce refus. Dans un deuxième temps cependant, il a été contraint de participer au gouvernement de Lukas Papademos, ancien vice-président de la BCE, et d’accepter du même coup les mesures de rigueur. Demandera-t-il une renégociation afin de faire revenir vers lui, en cas de nouvelles élections, les électeurs perdus ?
Ce n’est pas exclu. C’est en tous cas la politique de Syriza qui ne veut pas d’une sortie de la Grèce de l’euro mais qui veut garder la monnaie unique à d’autres conditions que celles dictées jusqu’à maintenant. La gauche radicale compte sur la victoire de François Hollande en France pour faire bouger les lignes en Europe.
A l’extrême-droite au contraire, le parti Aube dorée, Chryssi Avghi, qui fait son entrée au Parlement avec 6,9% des voix et vingt-et-un députés, fait campagne contre l’Europe et généralement contre tout ce qui est étranger à la « pureté » hellène. Il existait déjà un parti d’extrême-droite en Grèce, Laos, qui a passé de justesse la barre des 3% nécessaires pour être représenté au Parlement. Il paie sa participation au gouvernement Papademos qu’il avait quitté avant les élections. Rien à voir avec Aube dorée, une formation ouvertement xénophobe qui ajoute au morcellement du paysage politique.