Pierre-Antoine Delhommais : "cette fois, ce sont tous les pays occidentaux qui viennent de rompre avec le principe sacro-saint selon lequel de bonnes dépenses publiques sont des dépenses qui baissent. Au total, selon les hypothèses maximales et extrêmes, ce sont 1 700 milliards d’euros en Europe et 4 400 milliards de dollars aux Etats-Unis que les pays occidentaux pourraient avoir à débourser pour sauver leur système financier.
Des montants faramineux auxquels il faut ajouter ceux qui seront consacrés aux plans de relance destinés à limiter les ravages économiques de la crise bancaire. Les Etats occidentaux ne devraient pourtant guère avoir de mal à les trouver. En empruntant. Car eux ont une chance immense par rapport aux particuliers et aux entreprises : le robinet du crédit ne leur est pas fermé. Ils jouissent - encore - d’une réputation suffisamment bonne pour puiser dans l’épargne mondiale, pour que les gérants des caisses de retraite japonaises, par exemple, qui regorgent d’argent à investir, achètent leurs obligations du Trésor.
Inutile, en ce moment, de se faire peur pour de mauvaises raisons. La dette publique va fortement augmenter dans les pays occidentaux, mais ni les Etats-Unis, pas plus que la France ou la Belgique, ne sont sur le point de faire faillite. Le Japon, avec sa dette qui représente 170 % de son produit intérieur brut, est là pour rappeler qu’on peut vivre, et plutôt bien, avec des comptes publics désastreux.
Tous les grands pays riches vont donc continuer à pouvoir honorer leurs dettes (payer les intérêts et rembourser les emprunts arrivant à échéance). Quitte à augmenter les impôts, quitte à dépenser moins pour la recherche, la culture ou l’éducation. Quitte surtout à priver les entreprises des fonds dont elles auraient besoin pour se développer, pour investir et pour embaucher. Ce que les économistes ont coutume de désigner par l’effet d’éviction : l’argent aime à se reposer dans le lieu le plus sûr possible".