Une diplomatie aussi indécise que la situation internationale

Pour le premier anniversaire de son arrivée au Quai d’Orsay, Laurent Fabius a accordé un entretien au journal Le Monde, dans lequel il trace les grandes lignes de la politique étrangère sous François Hollande. « Nous visons une période d’hésitation stratégique », dit-il ; et en effet, les premiers pas diplomatiques du président socialiste reflètent cette hésitation.

La politique internationale n’était pas le fort de François Hollande quand il était premier secrétaire du Parti socialiste. Elle ne l’intéressait pas particulièrement et même ses contacts avec les autres partis socialistes en Europe et dans le monde étaient réduits au strict minimum. Ses adversaires politiques se gaussaient par exemple du fait qu’il n’ait jamais mis les pieds en Chine avant d’entrer à l’Elysée, alors que pour beaucoup d’entre eux c’était en quelque sorte un passage obligé pour acquérir une stature internationale. François Hollande ne peut pas se targuer d’avoir comblé cette lacune en faisant une visite officielle de 37 heures à Pékin !

C’est pourtant dans ce domaine de la politique internationale que le nouveau président de la République a marqué de son sceau la première année de son mandat. Même l’opposition de droite lui rend cette justice. François Hollande a pris une décision courageuse en envoyant les forces françaises combattre au Mali les terroristes islamistes qui menaçaient de s’emparer de tout le pays. L’opération, qui n’est pas terminée, a été un succès. Il reste à consolider la victoire militaire par un règlement politique des tensions persistantes entre le sud et le nord maliens. Quant à la sécurité, elle devrait être assurée par une force internationale sous la tutelle de l’ONU.

La France n’a pas vocation à rester au Mali, répètent les dirigeants français. Il n’en demeure pas moins que « l’opération Serval » a braqué de nouveau le projecteur sur cette « Françafrique » que François Hollande avait promis de saborder. Comme François Mitterrand, Lionel Jospin et même Nicolas Sarkozy, en leur temps, le chef de l’Etat s’était engagé à renouveler les relations avec les pays africains sur une base d’égalité et de dignité, en dehors des intrigues de réseaux qui les caractérisent depuis les années 1960. Comme par le passé, ces bonnes intentions ont fait long feu. Les exigences stratégiques, sans parler des intérêts économiques, ont vite repris le dessus. Il est difficile de compter sur le Tchad pour seconder les soldats français au Mali et de critiquer dans le même temps le président tchadien pour sa pratique contestable des droits de l’homme. De même pour le Cameroun, quand des Français sont pris en otages, ou pour le Congo quand on compte sur lui pour stabiliser la situation dans la République centrafricaine voisine.

La tragédie syrienne

Hésitation et perplexité encore en Syrie. Dès son arrivée au pouvoir, François Hollande a donné l’impression de vouloir mener une politique active vis-à-vis du conflit syrien, comme son prédécesseur avait été en pointe dans la guerre civile en Libye. Il a été le premier à reconnaître le Conseil national syrien, alors même que celui-ci ne représentait pas toutes les composantes de l’opposition au régime de Bachar el-Assad et il a poussé ses partenaires américains et européens à suivre son exemple. Dans les derniers mois, il était, avec le Premier ministre David Cameron, un des partisans les plus déterminés de la levée de l’embargo sur les livraisons d’armes aux rebelles syriens. Il n’était pas le dernier à regretter la prudence de Barack Obama sur ce dossier.

Depuis la diplomatie française a pris acte de la radicalisation des groupes d’opposition et se montre plus prudente sur des livraisons d’armes qui pourraient, comme le dit Laurent Fabius, « tomber dans les mains du régime ou de mouvements terroristes ». Elle appuie la proposition américano-russe de nouvelle conférence internationale sur la Syrie qui permettrait à l’opposition et à des représentants du régime de Damas de nouer un dialogue et il n’est plus question d’exiger le départ de Bachar el-Assad comme préalable à une solution politique. La guerre en Syrie a fait plus de 70 000 morts et des millions de déplacés. Dans ces conditions il n’est pas illégitime de chercher un compromis susceptible de mettre fin au carnage. Mais l’impuissance occidentale actuelle redonne de l’espace à la diplomatie russe pour le plus grand bénéfice de tous les régimes autoritaires de la planète.

Prudence de Moscou à Pékin

A propos de régimes autoritaires, les prestations de François Hollande lors de ses voyages officiels à Moscou et à Pékin ne laisseront pas une impression impérissable. Business as usual, pourrait-on dire, alors que la France a besoin des soutiens russe et chinois au Conseil de sécurité de l’ONU pour sa politique au Mali. Les droits de l’homme ont été évoqués, s’ils l’ont été, dans la plus parfaite discrétion diplomatique. François Hollande a même été jusqu’à déclarer à Moscou qu’il devait s’informer avant de prendre position, comme si la dérive autoritaire du régime de Poutine était une question académique.

En Chine, ce sont les affaires qui ont dominé les entretiens. La France a besoin d’investissements chinois d’une part, et de l’ouverture du plus grand marché de la planète d’autre part, pour exporter autant que sa voisine allemande. Pour citer encore Laurent Fabius dans Le Monde, « le couple Etats-Unis/Chine fascine, avec d’un côté une puissance renaissante et de l’autre une puissance réticente, mais cela reste indécis. » La France est « une puissance d’influence », qui ne peut pas agir partout, comme l’a réaffirmé le Livre blanc sur la défense qui vient d’être remis au président de la République. Elle doit compter sur ses partenaires, européens notamment, pour décupler cette influence. Le problème est que ces derniers n’ont pas toujours les mêmes conceptions que la France qu’ils laissent volontiers agir seule. L’intervention au Mali en a donné une nouvelle et éclatante démonstration.