Une élection à risques

Les Afghans sont appelés, jeudi 20 août, à voter pour élire leur président, pour la deuxième fois depuis que les talibans ont été chassés du pouvoir en 2001 par une coalition internationale menée par les Etats-Unis. Il est peu probable que le scrutin présidentiel change quoi que ce soit à la politique en Afghanistan et la guerre ne semble pas près de finir. Aux Etats-Unis, certains craignent déjà que l’Afghanistan soit l’Irak de Barack Obama, voire son Vietnam.

Les Afghans sont appelés, jeudi 20 août, à voter pour élire leur président, pour la deuxième fois depuis que les talibans ont été chassés du pouvoir en 2001 par une coalition internationale menée par les Etats-Unis. Ce devrait être une bonne nouvelle, d’autant plus que le président sortant, Hamid Karzai, devra vraisemblablement se soumettre à un second tour, en octobre, faute de majorité absolue au premier. Une petite incertitude pèse donc sur le résultat de cette élection, ce qui est la caractéristique de toute démocratie.

Cette vision est malheureusement trompeuse. Non seulement il est peu probable que le scrutin présidentiel change quoi que ce soit à la politique en Afghanistan mais la situation du pays est dominée par une guerre qui ne semble pas près de finir.

La guerre contre le régime des talibans (les étudiants en théologie) qui avait abrité Al Qaida avant les attentats du 11 septembre 2001, dure depuis l’automne de cette année-là. Dans les faits l’Afghanistan est à feu et à sang depuis une trentaine d’années, depuis les coups d’Etat communistes contre le président Daoud en 1978, et depuis l’intervention de l’armée soviétique à la fin de 1979. Pendant dix ans, jusqu’à ce que Mikhaïl Gorbatchev décide de retirer ses troupes, l’URSS s’est battue contre des chefs de guerre soutenus et armés par les Etats-Unis, y compris les talibans.

C’était l’époque de la guerre froide. En 2001, l’intervention internationale a été reçue l’autorisation du Conseil de sécurité. Les Russes n’étaient pas alors les derniers à saluer l’engagement américain contre des islamistes qui pouvaient représenter une menace sur leurs frontières méridionales. Lors de la visite de Barack Obama à Moscou, début juillet, la Russie et les Etats-Unis ont conclu un accord pour faciliter le transit des forces et du matériel américains destinés à la guerre en Afghanistan, preuve en s’il en fallait, que Moscou ne souhaite pas une défaite occidentale à Kaboul.

"Guerre de nécessité"

En 2001, les Américains et leurs alliés présentaient l’intervention en Afghanistan comme une « guerre de nécessité », alors que deux ans plus tard, l’intervention contre Saddam Hussein sera qualifiée de « guerre de choix ». Après les attentats de New York et de Washington, il fallait empêcher Al Qaida et ses soutiens de frapper à nouveau. En 2003, le danger représenté par le dictateur de Bagdad n’était pas évident pour tout le monde, comme l’a montré l’opposition – entre autres — de la France, de l’Allemagne et de la Russie à l’expédition américaine.

D’une certaine manière, le président Obama a fait sienne cette distinction. Il avait promis de retirer les forces américaines d’Irak et il respecte son engagement. En revanche, il a placé l’intervention en Afghanistan au premier plan de son agenda de politique étrangère. Non seulement il poursuit la guerre contre les talibans mais il renforce le contingent américain, avec des troupes qui passent directement de l’Irak à l’Afghanistan. Le nombre de soldats américains a été augmenté de 21000 pour atteindre le chiffre de 68000 et on dit à Washington que les chefs militaires américains pourraient demander 10 000 hommes supplémentaires. Avec les quelque 30 000 alliés de l’OTAN et assimilés, l’ISAF – la force internationale de stabilisation – compte près de 100 000 soldats, dont un peu plus de 3000 Français (dans les années 1980, les troupes soviétiques ont compté jusqu’à 250 000 hommes).

Efforts supplémentaires, ambitions réduites

Sur le terrain, la situation ne s’améliore pas pour autant. Le général américain Stanley McChrystal, qui vient de prendre le commandement de l’ISAF, a reconnu que les talibans étaient à l’offensive, y compris au nord et à l’ouest de l’Afghanistan, des régions où ils étaient jusqu’à maintenant peu actifs. La série d’attentats qui vient d’avoir lieu ces derniers jours, montre que les « étudiants en théologie » peuvent frapper où ils veulent. Un attentat suicide a fait 7 morts et 90 blessés, samedi 15 août, près du quartier général de l’OTAN à Kaboul. Les talibans menacent de s’en prendre aux bureaux de vote pour perturber le scrutin présidentiel du 20 août.

Les responsables militaires américains réclament plus de forces pour permettre une présence plus étendue dans tout le pays afin de protéger la population civile. L’administration Obama souhaiterait que les Etats-Unis ne soient pas les seuls à consentir un effort supplémentaire mais que leurs alliés de l’OTAN s’engagent plus activement. Elle a reçu un accueil mitigé. La France a fait un geste en envoyant du personnel chargé de participer à la formation des forces de sécurité afghane. En Grande-Bretagne, l’opposition à la guerre grandit alors que les Britanniques viennent de déplorer leur 200ème mort en Afghanistan, soit plus de victimes qu’en Irak. En Allemagne, le mot même de guerre est banni, l’intervention à Kaboul étant présenté comme une opération militaro-humanitaire.

Déjà à la fin de la présidence de George W. Bush, les Américains avaient réduit leurs ambitions. Il ne s’agissait plus d’exporter la démocratie et la prospérité en Afghanistan mais plus modestement de stabiliser le pays. Barack Obama s’est fixé pour objectif de priver d’une base Al Qaida et ses soutiens, aussi bien en Afghanistan qu’au Pakistan. La crainte d’une contagion islamiste dans cet Etat doté de l’arme nucléaire est justifiée. Reste à savoir si le changement de stratégie militaire mise en œuvre par le général Petreaus, qui a réussi à stabiliser l’Irak, réussira à Kaboul. Les perspectives ne sont pas encourageantes. Et ce n’est pas la réélection probable cette semaine ou dans deux mois d’Hamid Karzai qui changera la donne.