Une élection chasse l’autre

Le parti d’Angela Merkel (CDU) a subi une lourde défaite aux élections régionales de Rhénanie du Nord-Westphalie le dimanche 13 mai avec 26% des suffrages, il réalise son plus mauvais score depuis la création de la République fédérale d’Allemagne. Les sociaux démocrates, emmenés par la chef du gouvernement régional Hannelore Kraft, obtiennent 39% des voix, et leurs alliés verts se maintiennent avec un peu plus de 11%. Les deux partis ont une large majorité au parlement régional. Les libéraux, en perte de vitesse au niveau fédéral, améliorent leur score avec 8% des suffages. Le parti de la gauche radicale, die Linke, passe au-dessous du seuil de 5% et n’aura donc pas de députés. Enfin les Pirates font leur entrée au parlement de Dusseldorf.

La semaine politique en Allemagne a été dominée par les scrutins en France et surtout en Grèce, et leurs conséquences sur l’Europe. Les responsables de Berlin sont inquiets pour le pacte fiscal qu’ils ont imposé à leurs partenaires avec l’aide de Nicolas Sarkozy et plus généralement pour la monnaie unique. Le sort de l’euro ne dépend pas des Grecs, répètent-ils, comme pour conjurer le sort. Le ministre des finances, Wolfgang Schäuble, a déclaré qu’une sortie de la Grèce de la zone euro ne serait pas une catastrophe.

Mais c’est maintenant en l’Allemagne aussi que les élections peuvent avoir des conséquences sur la politique européenne de la chancelière. Dimanche 13 mai, les électeurs de la Rhénanie du Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé du pays, ont infligé une sévère défaite à la démocratie-chrétienne. La coalition rouge-verte entre les sociaux-démocrates du SPD et les écologistes, au pouvoir à Düsseldorf depuis deux ans, a organisé ces élections anticipées pour obtenir une majorité solide. Elle a réussi son pari au-delà de ses espérances en faisant campagne pour une maitrise raisonnée des dépenses publiques qui n’affecte pas les prestations sociales et les programmes d’éducation dans une région sinistrée par la restructuration industrielle.

Pour les partis de la coalition au pouvoir à Berlin, l’enjeu était de taille. Les chrétiens-démocrates de la chancelière Angela Merkel ont subi la onzième défaite consécutive à des élections régionales. Les libéraux (FDP) ont franchi la barre des 5% nécessaire pour entrer au Parlement régional, comme au Bundestag, grâce à une bonne prestation de Christian Lindner, ancien secrétaire général et rival du président du parti. Le pouvoir d’Angela Merkel n’en est pas moins fragilisé bien que la popularité personnelle de la chancelière soit à son zénith. Pour renforcer ses chances, le candidat de la CDU avait cru bon de transformer le scrutin de Rhénanie-Westphalie en référendum sur la politique de rigueur d’Angela Merkel.

Il fut immédiatement rappeler à l’ordre par Angela Merkel qui n’avait aucune intention de lier sa politique à un échec de son parti dans un Land, fut-il le plus grand d’Allemagne. L’idée que les autres pays européens, en particulier la Grèce, doivent se serrer la ceinture pour mériter la solidarité de l’Allemagne qui porte la plus grosse charge des mécanismes européens de stabilité financière, est certes populaire parmi les Allemands. Mais cette popularité ne suffit pas à gagner les élections, en particulier dans un Land comme la Rhénanie-Westphalie. Angela Merkel a compris qu’avec la victoire de François Hollande et les élections grecques, la donne avait changé en Europe. Il lui sera désormais plus difficile de faire valoir son point de vue. Sans doute, peut-elle faire passer la Grèce par profits et pertes. Mais elle ne peut pas négliger la coopération franco-allemande. Elle devra trouver un compromis avec le nouveau président de la République.

Aussi n’a-t-elle pas attendu leur première rencontre pour contre-attaquer au sujet de la politique de croissance. Elle a pris les devants de deux manières : d’une part, en expliquant que la croissance était une des préoccupations des chefs d’Etat et de gouvernement européens depuis de longs mois déjà ; d’autre part, en proposant un programme en cinq points de relance de la croissance dont la principale caractéristique est de ne comporter aucune idée nouvelle et… aucun financement nouveau. La chancelière est opposée à la création d’eurobonds et si elle se déclare personnellement en faveur d’une taxe sur les transactions financières, elle doit tenir compte du refus de ses alliés libéraux.

Une fois passées les élections de Rhénanie-Westphalie – les mêmes qui, il y a deux ans, avaient provoqué un couteux retard de plusieurs mois dans l’aide à la Grèce —, Angela Merkel est débarrassée de ses soucis électoraux domestiques. Elle peut revenir au principe de réalité. En ces temps de changement en Europe ce principe est double : la cure d’amaigrissement imposée à la Grèce est dans une impasse, économique et politique ; deuxièmement, les rapports de force ont changé et sont moins favorables à Berlin.