Dominique de Villepin y va peut-être un peu fort quand il dit que Nicolas Sarkozy est « un des problèmes de la France » (Europe 1, dimanche 7 novembre) mais ce qui est sûr c’est que l’image de la France à l’extérieur s’est dangereusement détériorée ces derniers mois. Expulsion des Roms étrangers, affaire Woerth-Bettencourt et la surveillance de journalistes qui s’en est suivie contribuent à nourrir une comparaison pas très glorieuse, la France et l’Italie, Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi. L’expression qui revient le plus souvent est la « berlusconisation » du pays.
Le Forum Europe centrale, qui s’est tenu à Bratislava, capitale de la Slovaquie, pendant le week-end du 5 au 7 novembre, a été une parfaite illustration de cette dégradation. Le premier débat portait sur la situation des Roms sur le vieux continent. Un peu d’autocritique, certes, quand une jeune enseignante d’origine rom a exposé les problèmes qu’elle et sa famille ont rencontrés en (Tchéco)Slovaquie, mais surtout une attaque en règle contre la politique française vis-à-vis des Roms d’origine communautaire. Le professeur Zigmunt Bauman, de l’université de Leeds en Angleterre mais d’origine polonaise, a prononcé un véritable réquisitoire contre les expulsions qui ne datent certes pas de l’été dernier mais qui ont été « médiatisées » à ce moment-là, avec des arrière-pensées de toute évidence politiques, après la défaite du parti présidentiel aux élections régionales et le développement de l’affaire Woerth-Bettencourt.
La politique du bouc émissaire
Zigmunt Bauman a tracé une continuité dans la politique de Nicolas Sarkozy depuis son passage au ministère de l’intérieur, quand il promettait de nettoyer les banlieues « au Kärcher » jusqu’à la stigmatisation des Roms. Pour le sociologue, la question fondamentale est la légitimation du pouvoir. Dans les décennies précédentes, la légitimité reposait sur la sécurité économique et sociale garantie par le pouvoir politique. Avec la mondialisation et la crise, c’est fini. La recherche d’une nouvelle légitimité passe par la sécurité, dans le sens ordre public du terme et sous son double aspect télévisuel – les faits divers montés en épingle et l’intervention musclée du pouvoir.
Les autorités politiques, ajoutait Zigmunt Bauman, doivent peindre un adversaire suffisamment menaçant pour faire peur à l’opinion mais suffisamment faible pour être maîtrisé par le pouvoir.
Si l’analyse globale parait pertinente, elle est souvent fondée sur des informations approximatives. Le gouvernement français a eu tendance à mettre la violence des réactions à sa politique vis-à-vis des étrangers, y compris de la part de la commissaire européenne Viviane Reading, sur le compte de la méconnaissance de la situation réelle. Il a regretté un défaut de « pédagogie ».
Ironie de l’histoire : pendant que la politique française à l’égard des Roms était critiquée au Forum Europe centrale, le ministre délégué aux affaires européennes, Pierre Lellouche, arrivait à Bratislava pour expliquer cette politique et plaider en faveur d’une action européenne concertée pour les Roms. Mais à en juger par les réactions des intellectuels de l’Europe centrale, le déficit d’explication est lourd à remonter. Et il sera difficile aux autorités françaises de justifier ce qui apparait clairement comme la politique du bouc émissaire.