La crise qui secoue le Mali est porteuse de lourds dangers. Laurent Fabius a raison de juger l’affaire « extrêmement grave », comme il l’a confié récemment à des journalistes. Les salafistes installés dans le nord du pays y font en effet régner un ordre islamiste qui ne se limite pas à la destruction de mausolées historiques mais ordonne aussi, au nom de la charia, des lapidations et des amputations. C’est la première fois, selon le ministre français des affaires étrangères, que « des terroristes se greffent sur des villes importantes », telles que Gao ou Tombouctou, et « sont peut-être en situation de se greffer sur un Etat ». Six Français sont détenus par les islamistes. « Leur ennemi principal, c’est la France », affirme M. Fabius.
Cet événement sans précédent déstabilise les pays du Sahel, qui constituent, selon les experts, la frontière géopolitique méridionale de l’Union européenne et, à ce titre, peuvent, en cas de troubles, menacer sa sécurité. Le rétablissement d’un pouvoir légitime dans le nord du Mali est donc un enjeu stratégique à la fois pour l’Afrique et pour l’Europe. Il est urgent de mettre fin à l’agression des groupes islamistes qui ont mis sous tutelle les populations d’une moitié du pays en prenant le relais des rebelles touaregs.
Ce qui rend l’opération difficile et bloque encore les initiatives de la communauté internationale est que les autorités de Bamako, la capitale malienne, qui devraient prendre l’initiative de la reconquête, sont elles-mêmes paralysées par les suites du coup d’Etat militaire du 22 mars, qui a porté à la présidence intérimaire du pays, après le retrait de la junte, le président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, lequel tente de mettre sur pied, avec beaucoup de difficultés, un gouvernement d’union nationale.
Le ministre français de la défense, Jean-Yves Le Drian, considère comme « souhaitable » et même comme « inéluctable » une intervention militaire. Mais la France, ancienne puissance coloniale, ne peut en prendre la direction. Elle est prête à apporter son appui à une force africaine. La Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) s’efforce d’organiser un contingent d’environ trois mille hommes. Le Burkina Faso, mandaté par la Cédéao, tente pour sa part une ultime négociation. L’ONU n’attend que la demande de Bamako pour donner son accord. « Le Nord ne doit pas devenir une terre d’asile pour les éléments terroristes et criminels », a lancé son secrétaire général, Ban Ki-moon.
Une grande manifestation a eu lieu dimanche 12 août à Bamako, à l’appel du Haut Conseil islamique du Mali, pour « la paix et la réconciliation ». La mise en place d’un pouvoir de transition aussi consensuel que possible dans la capitale malienne est en effet la première condition à remplir pour sortir le pays de l’impasse. Il faudra ensuite affronter des groupes islamistes solidement armés et de plus en plus enracinés, dont la présence dans le nord du Mali est, pour une part, l’une des conséquences de la chute de Kadhafi en Libye.
On comprend que la communauté africaine cherche à s’assurer du soutien le plus large avant d’agir. Des pressions sont exercées sur l’Algérie voisine qui, pour le moment, refuse de s’engager. L’Union européenne a un rôle important à jouer. On ne voit pas comment , après avoir adopté il y a un an une ambitieuse « stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel », elle pourrait rester inactive.