Candidate démocrate à la présidence des Etats-Unis, la vice-présidente Kamala Harris promet, si elle est élue, d’ouvrir « une nouvelle voie » pour son pays. Elle voit en l’Amérique « une nation prête à aller de l’avant » et à « franchir la prochaine étape » de son incroyable aventure. Les présidents qui l’ont précédée, démocrates ou républicains, ont apporté leur pierre à l’édifice, en bien (Clinton, Obama, Biden) ou en mal (Trump). A son tour de répondre aux défis de l’avenir dans un monde qui change et qui appelle de nouvelles réponses. Celles-ci, affirme-t-elle, ne sont pas à chercher du côté de Donald Trump, dont le retour à la Maison Blanche aurait des conséquences « extrêmement graves ». Mais elles ne sont pas non plus dans la continuité de ses prédécesseurs démocrates, dont le dernier, Joe Biden, est appelé à s’effacer. La vice-présidente le dit et le répète : « on ne retournera pas en arrière ».
En se retirant, le président sortant a refusé tout retour en arrière. Il a changé la donne en écartant la perspective d’un nouveau duel Trump-Biden, symbole d’une époque avec laquelle Kamala Harris promet de rompre. Comme l’écrit Arnaud Leparmentier, envoyé spécial du Monde, Joe Biden et ses deux prédécesseurs démocrates, Bill Clinton et Barack Obama, ont fait figure, à la convention de Chicago, de « représentants d’un monde révolu ». On pourrait en dire autant d’Hillary Clinton, candidate malheureuse contre Donald Trump en 2016. Mais Donald Trump lui-même appartient au passé, celui d’une Amérique « sombre, frappée par la désindustrialisation, mal remise de la crise financière de 2008 et marquée par les divisions croissantes entre Blancs et minorités », comme le souligne avec justesse l’envoyé spécial du Monde, qui ajoute : « l’Amérique de 2016 n’est pas celle de 2024 ».
La présidente du renouveau
C’est cette Amérique de 2024 que Kamala Harris prétend incarner, au rebours de ses prédécesseurs, renvoyés plus ou moins discrètement aux années anciennes, celles du pessimisme et de l’inquiétude, sous le règne de Trump comme, après lui, celui de Biden. Apparemment elle a réussi à persuader son auditoire qu’elle serait la présidente du renouveau et de l’espoir dans une Amérique réconciliée, en rupture avec le climat de crise qui prévalait auparavant. Kamala Harris a su faire oublier qu’elle avait été pendant quatre ans associée à cette période de désillusions aux côtés de Joe Biden. Elle s’est réinventée avec un talent qu’on hésitait à lui reconnaître et qui lui permet de faire renaître le rêve américain face au populisme provocateur de Donald Trump. Son énergie, sa joie de vivre, exprimée par un sourire permanent qui suscite les moqueries de ses adversaires, son esprit d’ouverture, qu’elle illustre notamment par ses origines familiales, contribuent à créer un élan qui peut la porter, si tout va bien, à la Maison Blanche.
Rien n’est gagné, bien sûr. Donald Trump, un moment désarçonné par la campagne dynamique de sa future adversaire, dont le succès semble attesté à la fois par les sondages et par les rentrées de fonds, ne va pas tarder à réagir. Si l’impulsion donnée par Kamala Harris aux démocrates a marqué un tournant important dans la course à la présidence, celle-ci est loin d’être jouée. Des obstacles se dressent encore sur la route de la candidate avant le vote du 5 novembre mais l’espoir a changé de camp. Ce n’est plus l’âge de Joe Biden qui suscite des commentaires négatifs mais bien celui de Donald Trump (78 ans depuis le 14 juin) face à la jeunesse relative de sa concurrente (60 ans le 20 octobre). Pour le moment, Kamala Harris a accompli un parcours sans faute depuis le retrait de Joe Biden. Il lui faut désormais confirmer le mouvement auquel elle a donné naissance et préciser notamment le contenu de la « nouvelle voie » dont elle se dit porteuse.
Elle doit transformer l’enthousiasme qu’elle a suscité à Chicago parmi ses fidèles en adhésion durable.
Thomas Ferenczi