Une révolution géostratégique aux Etats-Unis

Chaque mardi, le point de vue de la rédaction de Boulevard-Extérieur sur un sujet de politique internationale

Un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) vient de confirmer une révolution géostratégique qui s’annonçait depuis quelque temps déjà : les Etats-Unis sont sur la voie de l’autosuffisance énergétique grâce notamment à l’exploitation des gaz et du pétrole de schiste. Ils seront les premiers producteurs d’or noir dès 2017 et des exportateurs nets en 2030. Ces chiffres ont une traduction politique : les Etats-Unis seront de moins en moins dépendants du Moyen-Orient pour leur approvisionnement énergétique. Conséquence : leur engagement dans cette région sera de moins en moins nécessaire à leur sécurité.

Au cours de son premier mandat, Barack Obama a déjà annoncé et mis en œuvre le « pivotement » des forces armées américaines du monde transatlantique vers la région Asie-pacifique. L’Europe n’est plus un problème de sécurité pour les Etats-Unis comme elle l’a été pendant la plus grande partie du XXème siècle. Elle est tout au plus une source de préoccupation économique mais le stationnement d’importantes forces armées américaines sur le Vieux continent n’est plus un impératif pour la défense des intérêts vitaux des Etats-Unis. Aujourd’hui la marine américaine se partage pour moitié entre l’Atlantique et le Pacifique. Dans quelques années ce sera 40-60 en faveur de l’Asie.

A la porte de l’Europe, il y a le Moyen-Orient. Les Etats-Unis ne peuvent s’en désintéresser totalement. Le conflit israélo-palestinien, le programme nucléaire iranien, restent des sujets d’inquiétude. Mais le sort de leur économie dépendra de moins en moins de cette région. Ils peuvent envisager sans crainte pour leur avenir d’en « sous-traiter » la solution des problèmes aux Européens qui sont aux avant-postes. Ceux-ci sont-ils prêts à prendre la relève ? La réponse à cette question ne dépend que d’eux-mêmes. Mais ils doivent savoir que leurs alliés américains, s’ils peuvent rester une nécessaire force d’appoint dans cette région, regardent de nouveau vers le Pacifique. Ils le font pour plusieurs raisons. D’abord, c’est une tradition ancrée depuis la création des Etats-Unis au XVIIIème siècle. Ils n’ont été « distraits » de cet objectif que par deux guerres européennes qui sont devenues mondiales. Ensuite, ils considèrent que la région Asie-pacifique est le bassin de croissance le plus prometteur pour l’avenir. Et enfin, c’est dans cette région que se lève une puissance capable de contester aux Etats-Unis son statut de leader. Barack Obama affirme ne pas vouloir « contenir » la Chine mais vouloir au contraire l’intégrer dans un système de coopération, mais il entend le faire à partir d’une position renforcée, destinée aussi à rassurer les Etats de la région inquiets de la montée en puissance de Pékin. Le président américain se donne les moyens, intérieurs et extérieurs, de cette politique.