Les dispositions institutionnelles américaines datent de la fin du XVIIIè siècle. Si elles ont été amendées au fil des ans, la Constitution des pères fondateurs est restée un socle sur lequel se bâtit la vie politique. Ainsi la période de transition entre l’élection du président des Etats-Unis – le premier mardi de novembre à condition que ce ne soit pas le 1er – et sa prise de fonction est-elle l’héritage du passé. Depuis le second mandat de George Washington en 1793, elle courait jusqu’au 4 mars de l’année suivant l’élection. Il y avait de bonnes raisons à ces quatre mois. Il fallait que les membres du collège électoral, qui désignent formellement le vainqueur de l’élection, et les membres de la nouvelle administration aient le temps de gagner Washington à cheval ou en diligence, sur des chemins cahoteux.
En 1933, après de longues palabres et la première investiture de Franklin Delano Roosevelt, la période a été raccourcie. Le 20è amendement a fixé « l’inauguration » du mandat présidentiel au 20 janvier. Les congressistes américains tiraient ainsi la leçon de la transition entre le président sortant Herbert Hoover et le nouvel élu, Roosevelt. Les deux hommes se détestaient et ne s’étaient pratiquement pas adressé la parole pendant quatre mois. Pendant ce temps, la crise économique commencée en 1929 n’avait cessé de s’aggraver. La période a été appelée par les historiens « l’interrègne du désespoir ».
Des voix s’élèvent aujourd’hui pour raccourcir une nouvelle fois les délais. Les membres du Congrès prêtent serment le 3 janvier, pourquoi le président ne prendrait-il pas ses fonctions le 1er janvier ? Ou quelques jours seulement après l’entrée en fonction du Congrès si l’on veut respecter la hiérarchie des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif ?
Les adversaires d’une réforme font valoir que les onze semaines de transition donnent la possibilité à l’élu de constituer son équipe. S’il l’avait fait avant le jour de l’élection, on lui aurait reproché de vendre trop tôt la peau de l’ours… Elles offrent aussi, à lui-même ainsi qu’à ses collaborateurs, l’occasion de réfléchir aux défis qui les attendent alors qu’une fois installés à la Maison-Blanche, le temps pour la réflexion se fait de plus en plus rare.
Barack Obama a en effet profité de ces deux mois et demi pour mettre sur pieds une équipe pratiquement au complet, ce qui n’avait pas été le cas pour Bill Clinton en 1992 ni pour George W. Bush en 2000, et pour préparer les grandes orientations de son programme notamment sur le plan économique. D’autre part, le passage du témoin entre la présidence républicaine et la présidence démocrate a eu lieu dans une atmosphère de coopération qui tranche avec des exemples précédents. Il reste que les Etats-Unis ont paru bien absents de la scène internationale au cours des dernières semaines. Et personne n’a été en mesure de faire la démonstration qu’on pouvait se passer d’eux.