Union européenne : questions sur la présidence belge

Le succès des indépendantistes flamands fragilise le futur gouvernement central. Cet affaiblissement aura-t-il des conséquences négatives sur le fonctionnement de l’Union européenne sous présidence belge au second semestre 2010 ? Les experts s’interrogent.

Le bouleversement politique provoqué par le scrutin du 13 juin tombe assez mal pour la Belgique, au moment où elle s’apprête à exercer, à partir du 1er juillet, succédant à l’Espagne, la présidence de l’Union européenne. Comment en effet le premier ministre serait-il capable d’imposer son autorité à la tête de l’Europe s’il n’est pas en mesure de la faire valoir à la tête de la Belgique ? La remise en cause de l’Etat central par les indépendantistes de Flandre, massivement plébiscités par les électeurs de la province, ne risque-t-elle pas de priver de toute représentativité le chef du gouvernement belge – qu’il s’agisse du sortant, Yves Leterme, ou de son possible successeur, Elio di Rupo ? De quel poids pourra être la parole de la Belgique dans le concert européen dès lors que les régions qui la composent sont impuissantes à parler d’une seule voix ?

Priorité à la présidence stable 

Face à ces inquiétudes, plusieurs experts européens se veulent rassurants. Ils avancent deux arguments principaux. Le premier est que les présidences semestrielles ont perdu de leur importance depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Certes elles n’ont pas disparu, contrairement à ce qu’on a trop souvent laissé entendre en présentant comme une innovation capitale la création d’une présidence stable d’une durée de deux ans et demi renouvelable une fois, soit au total un mandat de cinq ans.

Le pays qui occupe la présidence tournante continue de présider les conseils des ministres sectoriels, c’est-à-dire ceux qui assurent le travail courant de l’Union européenne. Mais il ne préside ni le Conseil européen – c’est la responsabilité du président stable, Herman Van Rompuy – ni le conseil des ministres des affaires étrangères – c’est le rôle de la haute représentante, Catherine Ashton. Sans parler de l’eurogroupe, présidé par Jean-Claude Juncker. La présidence tournante n’est donc pas en première ligne.

De plus l’usage s’est établi de définir des programmes de dix-huit mois, associant trois présidences successives. La présidence belge s’inscrira dans la continuité de la présidence espagnole avant de céder la place à la présidence hongroise. En conséquence, sa marge de manoeuvre sera relativement limitée.

Consensus sur les questions européennes

L’autre raison qui incite à minimiser les effets du résultat des élections sur le fonctionnement de l’Union européenne tient au consensus des principaux partis, en Flandre comme en Wallonie, sur les questions européennes. La forte tradition européenne de la Belgique devrait permettre, selon les observateurs, une gestion apaisée des affaires communautaires. La Belgique se prépare depuis longtemps à cet événement, la qualité de sa diplomatie est reconnue et rien n’autorise à penser que le divorce entre les francophones et les néerlandophones empêchera la machine européenne de tourner.

Si des divisions menacent la Belgique, ajoutent certains experts, ce sera plutôt entre la droite, dominante en Flandre, et la gauche, victorieuse en Wallonie. Ce clivage politique pourrait être plus déterminant que la querelle régionale. Tout dépendra du gouvernement qui sortira des urnes, à supposer que celui-ci soit mis en place avant la fin de l’année.

Vers une présidence discrète

Certes on ne peut totalement exclure, si les choses s’enveniment, que le conflit entre les deux communautés rende plus difficile l’exercice de la présidence. Mais les partis politiques belges feront tout leur possible pour éviter de « contaminer » l’Union européenne. Ils n’entendent pas non plus gêner la présidence stable, occupée par leur compatriote Herman Van Rompuy. On peut donc s’attendre à une présidence tournante qui cherchera la discrétion plus que l’éclat afin d’empêcher que la crise belge ne provoque, dans les prochains mois, une crise européenne.