Le vice-président américain Joe Biden l’avait annoncé lors de la conférence sur la sécurité à Munich au début du mois : les Etats-Unis sont prêts à relancer les négociations sur une zone de libre-échange transatlantique. C’est une vieille idée qui n’a jamais abouti mais les Américains ont jugé que le moment était propice pour la remettre à l’ordre du jour. Plusieurs arguments plaident en faveur de cette négociation : l’impasse dans laquelle se trouve l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, après l’échec du Doha Round ; les bonnes dispositions de la chancelière allemande Angela Merkel et du Premier ministre britannique, deux partisans convaincus du libre-échange ; les perspectives de croissance encore plus faibles du côté européen de l’Atlantique qu’aux Etats-Unis ; et enfin la volonté de l’administration américaine de « compenser » le « basculement » stratégique vers l’Asie par des gestes envers les Européens.
Dans son discours sur l’état de l’Union, le mardi 12 février, Barack Obama l’a confirmé : « Nous allons lancer des discussions sur un accord transatlantique global sur le commerce et l’investissement avec l’Union européenne parce qu’un commerce libre et équitable de part et d’autre de l’Atlantique soutiendra des millions d’emplois américains bien payés. » Si elle voit le jour cette « OTAN économique » représenterait la moitié de la production mondiale. Ses partisans en attendent 1,5 point de croissance supplémentaire des deux côtés de l’Atlantique, la création de 15 millions d’emplois, etc. Selon le principe que la liberté du commerce crée la richesse. C’est aussi une manière de faire face à la montée des pays émergents, notamment de la Chine. En 2010, les investissements américains en France et en Belgique étaient aussi importants que les investissements américains en Chine et en Inde. Mais les investissements chinois en Allemagne ont maintenant dépassé les investissements américains dans ce pays.
Si les négociations commencent cette année – la visite de Barack Obama à Berlin en juin pourrait être l’occasion d’accélérer le processus –, la conclusion prendra du temps. La zone de libre-échange transatlantique n’a pas que des partisans de part et d’autre de l’océan. Les membres du Congrès sont généralement plus protectionnistes que l’exécutif car leur principal souci est la défense à court terme des emplois dans leur circonscription. En Europe, François Hollande ne partage pas l’enthousiasme d’Angela Merkel et de David Cameron. L’objectif de la France est plutôt d’assurer une certaine protection du marché européen, désignée sous le vocable de « réciprocité ».
Car au-delà des problèmes politiques, les obstacles techniques – ce que dans le jargon du commerce international on nomme les « obstacles non-tarifaires" – ne seront pas simples à surmonter. Les normes ne sont pas les mêmes des deux côtés de l’Atlantique, les prescriptions sanitaires non plus pour tout ce qui touche à l’agriculture et à l’agro-alimentaire. C’est en partie sur ces difficultés qu’ont échoué les précédentes tentatives d’accord entre l’Europe et les Etats-Unis dont les premières remontent aux années 1970.
Toutefois la vraie question est politique : la croissance des vieilles nations industrielles passe-t-elle par plus de libéralisme économique et commercial ? En principe les Américains sont plus disposés à répondre par l’affirmative. En réalité, ils sont tout aussi divisés que les Européens.