Vers une négociation avec l’Iran sur le nucléaire

Les Iraniens soufflent le chaud et le froid dans leurs relations avec l’Occident et cette ambivalence ne s’arrêtera certainement pas avant les élections présidentielles prévues en juin.

Le discours enflammé de Mahmoud Ahmadinejad contre Israël à la Conférence de l’ONU sur les droits de l’homme (Durban II) est une des facettes de la politique de Téhéran. L’autre se reflète dans l’accueil plutôt positif fait à la proposition de négociations émanant de Barack Obama. La nouvelle administration a-t-elle abandonné la condition posée depuis près de deux ans par les Occidentaux à la réouverture de négociations avec l’Iran à savoir la suspension de l’enrichissement de l’uranium pouvant conduire à la production de matière fissile destinée à une arme nucléaire ?

Des indiscrétions publiées par la presse américaine le laissent entendre. Elles n’ont été ni confirmées ni démenties officiellement. Si elles étaient exactes, elles prendraient à contre pied les Européens qui se sont arc-boutés sur cette condition. Depuis 2003, une troïka européenne composée des ministres allemand, britannique et français des affaires étrangères tente de convaincre les Iraniens de ne pas se lancer dans un programme nucléaire militaire. Pour preuve de la bonne volonté iranienne, ils ont exigé – et obtenu pendant un court laps de temps à la veille de l’élection d’Ahmanidejad en 2005 – l’arrêt du processus d’enrichissement de l’uranium. Depuis les Iraniens refusent, arguant de la destination purement civile de leur entreprise.

Les Européens en avaient fait la condition sine qua non de la reprise des négociations, appuyant leur exigence sur des sanctions décidées par le Conseil de sécurité de l’ONU. Lors d’un discours prononcé en novembre dernier à la Brookings Institution à Washington, le ministre français des affaires étrangères Bernard Kouchner avait mis en garde, implicitement, Barack Obama contre un virage dans la politique iranienne des Etats-Unis qui aurait pu être compris comme un désaveu infligé aux Européens. Il n’a pas été vraiment entendu par le nouveau président. La question est de savoir pourquoi les Européens se sont entêtés à poser une condition qui avait très peu de chances d’être acceptée par Téhéran.

Sauver la face

Deux raisons peuvent être invoquées. D’abord, les Européens ont pris en charge le dossier iranien dès 2003 alors que les Américains, trop occupés à gérer le dossier irakien, ne s’y intéressaient pas. Ils étaient alors inquiets des risques de prolifération représentés par le programme nucléaire iranien et ils craignaient que l’administration Bush, le jour où elle se tournerait vers la question, ne réagisse en employant la force. En prenant les devants dans la négociation avec l’Iran, les trois Européens pensaient désamorcer une crise annoncée. Dans un deuxième temps, ils ont maintenu la condition posée à la poursuite des négociations pour ne pas être accusés de faiblesse par les Américains qu’ils voulaient amener à la table des discussions. Ils y sont d’ailleurs en partie parvenus. George W. Bush a envoyé un émissaire à des rounds d’observation.

Cependant, poser comme préalable à la négociation la suspension de l’enrichissement ne pouvait pas être tenable très longtemps. Cette tactique revenait à mettre comme condition au début de la négociation l’objectif qu’on souhaitait atteindre à son aboutissement, c’est-à-dire la renonciation de l’Iran à un programme contenant le risque d’un débouché militaire.

Il reste maintenant aux Américains et aux Européens à se mettre d’accord sur l’habillage qui ouvrira la voie à la reprise des négociations sans que ni les uns ni les autres ne perdent la face. Il y a urgence. Car pendant ces années, Téhéran a gagné du temps et poursuivi la production d’uranium enrichi, même si les experts ne sont pas d’accord sur le degré d’avancement de son programme. L’issue de la partie dépend dans une large mesure, mais pas seulement, du résultat des élections présidentielles en Iran.