Vraie-fausse alternance en Grèce

Si l’alternance est la marque de la démocratie, la Grèce contemporaine pourrait être un modèle. Depuis quelques décennies, les gouvernements n’y durent guère plus de quelques années avant de passer le relais à l’opposition. La Nouvelle démocratie, la formation de centre droit du premier ministre Costas Karamanlis vient de subir une cuisante défaite, dimanche 4 octobre, face au parti socialiste PASOK mené par Georges Papandréou, fils et petit-fils d’anciens chefs de gouvernement grec.

Avec près de 44% des suffrages, le PASOK devant de plus de dix points la Nouvelle démocratie (ND) et obtient la majorité absolue à la Voulia, le parlement monocaméral de Grèce (160 sièges sur 300). Les sondages laissaient présager une victoire de la gauche mais les observateurs spéculaient sur la possibilité d’une impasse politique si le PASOK n’avait pas la majorité des députés. Que serait-il passé ? Une alliance avec les petits partis de gauche, comme le Parti communiste ou la gauche non communiste ? Voire une grande coalition, bien peu dans la tradition politique grecque où les affrontements verbaux laissent peu de place au compromis ?

Accumulation d’impasses

La surprise du scrutin est donc l’ampleur de la victoire de Georges Papandréou et de ses amis, qui équivaut à un rejet massif du gouvernement précédent. Costas Karamanlis avait provoqué des élections anticipées deux ans à peine après la précédente consultation, contre l’avis de quelques barons de son parti qui craignaient une défaite annoncée. Mais il lui a paru impossible de continuer sa tâche avec une faible majorité à la Voulia (un siège), avec les scandales qui éclaboussaient ses proches, la crise économique, les séquelles des grandes manifestations de jeunes en décembre 2007, et finalement les incendies de forêt qui ont ravagé la banlieue nord d’Athènes, l’été dernier. Aucune des défaillances constatées il y a deux ans au moment des grands feux de 2007 qui avaient mis en évidence l’incurie des autorités, n’a été corrigée. La coordination des différents services, les équipements et plus généralement le respect des normes de construction laissent toujours à désirer.

Costas Karamanlis cherchait dans les urnes une nouvelle légitimité pour mener à bien les réformes structurelles indispensables pour sortir son pays d’une crise économique larvée que seule masque l’importance de l’économie grise (évaluée jusqu’à 30% du PNB). Ces réformes, il les avait annoncées dès son arrivée au pouvoir en 2004 puis de nouveau avant les élections de 2007, mais il s’est révélé incapable de les réaliser.

Volatilité électorale, illisibilité politique

Son successeur sera-t-il mieux placé pour les réussir ? Le PASOK a fait campagne avec un programme très différent de celui de la ND. Il veut injecter plusieurs milliards d’euros dans l’économie, malgré un déficit budgétaire qui dépasse largement les critères de Maastricht et une dette colossale. Il compte sur le regain d’activité provoqué par cette relance pour à terme diminuer les déficits. Mais il devra aussi s’attaquer au système des retraites, à la réforme de la sécurité sociale, à l’assainissement du secteur public, si Georges Papandréou veut être fidèle à son image moderniste. Le pourra-t-il ? Rien n’est moins sûr dans un pays où les électeurs changent facilement de gouvernement dans l’espoir que fondamentalement rien ne changera.

C’est vrai aussi en politique étrangère. Quand il était ministre des affaires étrangères du gouvernement de Costas Simitis, Georges Papandréou avait noué des relations étroites avec son collègue turc et mené une politique de rapprochement avec Ankara. Pendant la campagne, il a au contraire critiqué Costas Karamanlis pour sa faiblesse supposée envers la Turquie qui, ces derniers temps, a multiplié les provocations au-dessus de la mer Egée. D’autre part, il a laissé entendre que la Grèce ne devait pas trop dépendre des livraisons énergétiques russes et il s’est prononcé pour une politique concertée dans l’Union européenne. Il reste que les relations avec la Turquie que ce soit à propos des différends bilatéraux, Chypre ou les négociations d’adhésion à l’UE restent, le sujet le plus délicat de la politique extérieure d’Athènes. Sans oublier bien sûr, la dispute digne de Clochemerle, autour de la Macédoine, à laquelle la Grèce refuse, depuis 1991, le droit de porter ce nom, tout en étant le premier investisseur à Skopje.