Vu d’Allemagne : Sarkozy, on connait, Hollande pas encore

L’élection présidentielle française ne suscite pas un grand intérêt en Allemagne bien que l’éventuelle victoire de François Hollande risque de modifier la donne des relations avec Paris. Angela Merkel avait fini par s’habituer à l’activisme du président français. Devra-t-elle passer par une nouvelle d’adaptation ?

On ne peut pas dire que la campagne pour l’élection présidentielle en France ait suscité beaucoup de questions, ni même de préoccupations outre-Rhin. En fait, depuis l’annonce par Angela Merkel qu’elle soutenait le candidat Nicolas Sarkozy et son refus de recevoir le candidat François Hollande, alors qu’elle avait accueilli la candidate Ségolène Royale en 2007, pas grand chose ne s’est passé en franco-allemand. Plus de tête-à-tête pour gérer la crise de l’euro. Le candidat Sarkozy semble avoir décidé de se passer de son amie allemande pour défendre “le château”. Ca peut changer avant le deuxième tour, mais pour l’instant, en Allemagne, on ne peut que constater que la chancelière semble furieuse de ce changement d’humeur du locataire actuel de l’Elysée. On ignore pourquoi – pourquoi elle pourrait être furieuse, mais aussi pourquoi Sarkozy ne veut plus d’elle.

Rarement, une élection française qui pourrait changer le paysage politique européen, n’a été autant ignorée. Il y a trois raisons à cet état de fait :

1.  Le grand public allemand ne s’intéresse pas vraiment aux élections en France. L’élite a appris à vivre avec ce président hyperactif. On ne comprend pas toujours pourquoi il fait ce qu’il fait, ni la dynamique à l’intérieur du système présidentiel sarkozyste. Mais Sarkozy semble avoir trouvé avec Merkel un mode de travail qui produit des résultats, quoi qu’on pense de ceux-ci. Qu’il se concentre, maintenant, sur sa campagne – soit. Il y aura un temps après, et on compte pourvoir continuer comme avant. Bien que les Allemands continuent à se méfier de son activisme, on croit pouvoir orienter celui-ci dans la bonne direction. Sarkozy ne répète-t-il pas combien il apprécie l’exemple allemand, surtout en matière économique et financière ? Et n’est-ce pas la seule matière qui compte vraiment ? En quelque sorte, on croit l’avoir « domestiqué » – et, donc, il serait opportun de continuer avec lui. Une telle attitude pourrait expliquer pourquoi il n’y a pas de questions sur Sarkozy, suivant la principe : Attendons que cet épisode (les élections) soit passé et tout ira bien, même si le candidat Sarkozy a in extremis relancer l’idée d’une réforme de la Banque centrale européenne. Ignorons des doutes !

2. Et des doutes, il devrait y en avoir. Les sondages sont assez stables, depuis des semaines. Pour le deuxième tour, ils continuent à être largement en faveur de François Hollande. Or, l’hypothèse d’un président Hollande le 7 mai semble toujours très étrange en Allemagne, à en juger par le peu de débat public sur le sujet. Certes, on a noté qu’il veut renégocier le pacte financier européen (Sarkozy aussi s’est découvert une brusque envie de croissance, à la veille du premier tour) et qu’il veut faire voter un impôt de 75% sur les grosses fortunes – mais, est-ce que c’est sérieux ? Bizarre, ce François Hollande, dont on ne sait pas grand chose. Ni du Parti Socialiste qui a des relations particulières, pas toujours faciles avec le SPD et sa direction. Mais les Allemands ne semblent pas vraiment soucieux d’en savoir plus. Certainement, il y a des experts au sein du gouvernement, du parlement, des partis politiques, qui se posent la question : comment continuer avec Hollande. Quelles seraient les difficultés, les opportunités ? Mais à quelques jours du premier tour qui veut vraiment savoir ?.

3. C’est d’autant plus regrettable que la crise de l’intégration européenne est loin d’être résolue et que le couple franco-allemand continue à être indispensable pour la surmonter. Il n’y a pas de temps à perdre. Les Allemands sont, eux-mêmes, concentrés sur leurs élections régionales du 6 et du 13 mai, cruciales pour la coalition de Mme Merkel et surtout pour ses partenaires, les libéraux du FDP. Ceux-ci risquent d’être éliminés de deux nouveaux parlements au Schleswig-Holstein et en Rhénanie du Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé d’Allemagne. Un tel résultat pourrait déstabiliser sérieusement le gouvernement d’Angela Merkel.

En plus, il y a le Parti des Pirates, qui a fait son entrée dans un deuxième parlement régional en Sarre fin mars après celui de Berlin, et qui est en train, dans les sondages, de dépasser les Verts, non seulement au niveau régional mais aussi au national. De quoi inquiéter les partis traditionnels.

Ainsi, les Français pourraient prendre une décision aux répercussions importantes pour toute l’Europe, et les Allemands s’en soucient peu. Il est vrai qu’il revient aux Français de décider et aux autres d’accepter leur choix. Mais il serait temps aussi de considérer que les choix des peuples, surtout ceux de l’Union Européenne, ne sont plus purement nationaux. Les décisions qui attendent le Conseil européen en témoignent.