Washington doit « réimaginer » l’Eurasie

Les Etats-Unis ont certes rénové leur politique envers la Russie, mais leur approche des autres Etats de la région a grand besoin d’une révolution conceptuelle, indique une étude publiée par la revue Foreign Affairs (20 août 2010) et signée par Samuel Charap (Center for American Progress) et Alexandros Petersen (Atlantic Council).

La crise ouverte au Kirghizistan, à la suite de la sanglante « révolution des tulipes », en avril 2010, contre le président Bakiev, faisait craindre aux Etats-Unis la perte de leur base aérienne dans ce pays, base arrière indispensable pour mener la guerre en Afghanistan. Elle s’est résolue sans heurt entre Moscou (qui cherche pourtant à rétablir son influence dans cette région) et Washington. Des consultations périodiques, depuis avril, ont permis d’éviter les conflits du temps de la Guerre froide, dans un pays où les deux grandes puissantes ont tous deux des intérêts militaires.

 Les auteurs de l’étude n’hésitent pas à qualifier cette évolution de « tectonique ». Cette coopération a créé une opportunité pour repenser fondamentalement la politique étrangère américaine vis-à-vis de l’Eurasie, terme utilisé pour désigner la grande région stratrégique des pays de la Mer noire et de l’Asie centrale, riche en ressources naturelles et doté d’un important potentiel économique.

Depuis la fin de la guerre froide, les Etats-Unis ont mené leur approche avec des pays comme l’Azerbaïdjan et l’Ukraine à travers une « lunette » russe, alors qu’ils s’étaient attachés à l’indépendance des états eurasiens dans les années 1990. Aussi l’étude conseille-t-elle aux stratèges de la politique étrangère américaine d’abandonner leur centralisme russe éculé, pour développer une approche individualisée des Etats eurasiens, en les traitant chacun selon leurs mérites. C’est, affirme-t-elle, la meilleure manière de servir les intérêts à long terme de l’Amérique, et d’éviter la restauration du style « Grand jeu » digne du dix-neuvième siècle. http://www.foreignaffairs.com