Zahra Rahnavard, icône ’’libérale’’ en Iran

Quelques jours avant le scrutin, l’envoyée spéciale de la Repubblica à Téhéran, Vanna Vannuccini, avait rencontré Zahra Rahnavard, la femme de Mir Hossein Moussavi, le principal candidat de l’opposition, qui portait tous les espoirs de la classe moyenne éclairée d’Iran.

Ils portaient tous quelque chose de vert, les garçons et les filles qui attendent dans l’aula magna de l’Université Azad l’arrivée de celle qu’ils espéraient pouvoir appeler la première First lady de la République islamique. Le vert est la couleur de son mari Mir Hossein Mousavi. Mousavi est un modéré, même s’il a été un dur aux temps de la révolution, un architecte qui s’est tenu en dehors de la politique pendant vingt ans après avoir servi comme Premier ministre (un poste aboli plus tard) pendant la « guerre imposée » contre l’Irak ; quand l’armée de Saddam Hussein attaqua la République islamique avec la bénédiction de l’Occident et fut, contre toute prévision, repoussée au-delà du Chatt el Arab. C’est à ce moment que Khomeini refusa un armistice et décida de poursuivre la guerre dans l’espoir, vite déçu, que les chiites irakiens le soutiennent.

Au milieu des partisans de Mousavi, dans la salle, un petit groupe acharné de fans d’Ahmadinejad ne veut pas la laisser parler. Elle ne perd pas le contrôle de la situation. « Sans liberté de parole, la pensée ne sera jamais libre », dit-elle. Elle réplique avec ironie et acuité à leurs accusations. Un diplôme insuffisant ? Les enfants, où étiez-vous pendant que j’étudiais pendant dix ans les arts à l’université de Téhéran, que j’écrivais dix livres, que j’obtenais un diplôme en sciences politiques ? Vous dite que je n’étais pas croyante depuis mon enfance... Or vous connaissez la parole du Coran : il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu. Et bien je suis passée de l’absence de Dieu à Dieu. » 

Soixante-quatre ans, sculptrice, recteur de l’université féminine Al Zahra jusqu’à ce que Ahmadinejad, à peine devenu président, l’envoie en retraite avec tous ces professeurs qui ne partageaient pas ses idées fondamentalistes, Zahra Rahnavard était une nouveauté absolue dans cette campagne électorale. Il n’était jamais arrivé dans la république islamique que la femme d’un candidat eût un rôle de premier plan. Elle et son mari arrivaient aux meetings main dans la main, modèle Obama et Michelle, même s’ils ne sont plus aussi jeunes que le couple présidentiel américain. C’est elle qui présente son mari et enthousiasme le public en disant que les femmes doivent arriver aux postes dirigeants en Iran.

Ahmadinejad devait la craindre puisque, dans le face à face télévisé avec Mousavi, il a brandi un document avec sa photo, l’accusant d’avoir un modeste diplôme au lieu d’un doctorat. Mais son geste n’a pas plu, pas même à ses partisans ; alors que chez les femmes s’est créé une vague de sympathie pour Mousavi.

Si Mousavi est un homme calme, et plutôt gris aussi dans le ton de la voix, sa femme au contraire est sûre d’elle. Elle n’a pas peur de se faire entendre. Elle a tourné dans le spot que son mari a présenté avant les élections, un entretien avec Fatemeh Motamed Aria, la plus aimée et la plus grande des actrices iraniennes. Ce spot, dit-elle, souligne les vues réformatrices de Mousavi plutôt que ses mérites quand il était premier ministre en guerre contre l’Irak. Les principaux metteurs en scène iraniens ont participé à la production (sept cent artistes avaient invité à voter pour Mousavi). 

L’honneur de notre patrie a beaucoup souffert, a-telle dit aux étudiants. Que devrait faire un nouveau président pour le rétablir ? « Avant tout, je veux répéter que la Révolution avait donné la dignité à notre pays, la dignité, la liberté et l’indépendance. Mais quelques-uns des principes de la révolution ont été abandonnés sous ce gouvernement. Au lieu de mettre l’accent sur le développement économique, nos dirigeants distribuent des aumônes et le gouvernement se contente de distribuer des patates (dans les derniers mois Ahmadinejad a distribué des tonnes de pommes de terre gratuites aux agriculteurs). La liberté est à son plus bas niveau depuis la révolution et l’oppression sociale, spécialement sur les femmes, est très haute. C’est, de fait, un Etat policier. »

Comment changer ?

« Mon mari se proposait de supprimer la censure - avoir des journaux libres est une nécessité première -, d’aider les femmes, en cherchant à les rendre plus libres dans l’espace de la constitution, de stimuler l’économie, de réduire le chômage ; les étudiants exclus de l’université pour des raisons politiques devront retourner étudier. Aujourd’hui les Iraniens sont insultés dans le monde entier, pendant que nous vivons ici dans la paranoïa. Nous avons droit non seulement à l’énergie nucléaire, mais aussi au pain, au bien-être, à la liberté. On veut un président qui soit apprécié dans le monde, qui nous fasse participer à la politique internationale pour montrer qui sont vraiment les Iraniens.

Avant la révolution, quand elle vivait en Amérique, Zahra Rahnavard a publié un livre sur le hejab, en affirmant que c’était le vêtement le plus "correct" pour la femme musulmane. "Mais ensuite, j’ai refusé de le faire publier quand le hejab est devenu obligatoire en Iran. Je suis passée du refus du hejab à son port mais pour moi ça a été un choix, une recherche et je crois que cela doit rester, que ce n’est pas quelque chose d’imposé…"