Bachar el-Assad vers une nouvelle consécration ?

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Au moment où les quatre journalistes français étaient libérés après avoir passé dix mois en Syrie comme otages de l’Etat islamique en Irak et au Levant, on annonçait la tenue de l’élection présidentielle pour le 3 juin. Bachar el-Assad, qui était le jour de Pâques dans le village chrétien de Maaloula récemment reconquis par ses troupes, sera candidat. Il a toutes les chances d’être réélu pour sept ans. Le scrutin aura lieu uniquement dans les zones contrôlées par le régime, où vivent environ les deux tiers de la population.

On est loin des déclarations martiales des dirigeants occidentaux. Au début du conflit, le mot d’ordre était : Assad doit partir ! Plus personne n’ose employer cette formule. On est même loin des conférences de Genève 1 et Genève 2, en 2012 et 2013, qui se prononçaient pour un « gouvernement de transition » à Damas, comprenant toutes les forces politiques du pays. Le régime sort renforcé de trois ans d’une guerre qui a fait plus de 130 000 morts, 6 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie et des millions de réfugiés dans les pays voisins, et même jusqu’aux banlieues des grandes villes européennes.

L’élection du 3 juin risque d’être vue comme une consécration du régime, malgré toutes les réserves qui pourront être faites sur la légitimité et l’honnêteté du vote. Certains pays européens – mais pas la France – envisageraient de rouvrir leurs ambassades à Damas, une manière d’entériner l’échec des tentatives d’en finir avec la dynastie des Assad.

Force est de constater, en tous cas, que l’opposition à Assad a été incapable de s’imposer ni politiquement, ni militairement. Ses divisions ne l’ont guère aidée. L’opposition démocratique représentée sur le terrain par l’Armée syrienne libre (ASL) a dû se battre sur deux fronts : contre les forces du régime qui a reçu l’aide militaire décisive des Gardiens de la Révolution iraniens et du Hezbollah libanais, et contre les groupes islamistes radicaux, comme l’Etat islamique en Irak et au Levant, financés par des monarchies du Golfe.

La diplomatie occidentale s’est montrée faible face à la Russie dont le soutien à Bachar el-Assad ne s’est jamais démenti. Barack Obama a commis l’erreur de fixer une « ligne rouge » (l’utilisation des armes chimiques par le régime de Damas) qu’il a laissé franchir sans mettre ses menaces à exécution, abandonnant en rase campagne ses alliés plus allants, la France en particulier.

Les Occidentaux n’ont pas su joindre les actes à la parole. Ils ont hésité à soutenir par des livraisons d’armes l’ASL qui a perdu du terrain. Leur crainte, justifiée, était que les armes ne tombent « dans de mauvaises mains », c’est-à-dire dans les celles des groupes djihadistes. Mais en empêchant les « modérés » de s’imposer au sein de l’opposition, ils ont permis le renforcement de ces mêmes groupes djihadistes, accusés, non sans raison, de faire le jeu du régime.

La crise ukrainienne a éclipsé le conflit en Syrie. Il existe pourtant un lien entre les deux. La faiblesse occidentale vis-à-vis de Bachar el-Assad a été interprétée par Vladimir Poutine comme un feu vert à sa politique révisionniste en Europe. Et pourtant, on n’en a pas fini avec la Syrie. Plus le conflit se prolonge, plus il fait proliférer des métastases dans les pays voisins, notamment au Liban et en Jordanie, victimes collatérales de l’incapacité occidentale à prendre la mesure de la crise.