Aux yeux des républicains, la racine du déficit c’est l’aide sociale dispensée par l’État-providence qu’il faut à tout prix réduire. Leur tactique a été crédibilisée par des articles dans les trois grands quotidiens nationaux, New York Times, Washington Post et Wall Street Journal.
Or, quand ils dénoncent les déficits, les membres du parti du « non » oublient l’augmentation massive des dépenses militaires. Inaugurée par G.W. Bush, elle se poursuit sous Obama, malgré ses promesses de se retirer de l’Irak et d’en finir en Afghanistan après l’envoi de 30 000 soldats supplémentaires. Le budget du département de la Défense est de 708 milliards de dollars, dont 159 sont affectés aux deux conflits actuels, le reste couvrant les frais de fonctionnement. En dollars constants, c’est 25 % de plus qu’au moment le plus chaud de la Guerre froide, et 33 % de plus que pour le Vietnam.
Chiffre frappant : 250 milliards sont dépensés pour la construction et l’entretien de bases militaires. À cette présence américaine s’ajoute celle du département d’État, qui construit des méga-ambassades, par exemple en Irak et au Pakistan. Enfin, il ne faut pas oublier les sociétés comme Blackwater qui emploient des anciens militaires passés dans le privé.
S’ajoute aussi le coût des armes de la prochaine génération. Le parti de l’antipolitique semble se rendre implicitement compte du coût financier et moral de ce qu’est devenu l’empire américain. Face aux déficits, ces groupes font la comparaison avec la Rome impériale qui s’enfonce dans la décadence avant de tomber devant les invasions des barbares.
C’est cette crainte qui anime les populistes. Pour autant, ils ne mettent pas (encore ?) en question l’engagement impérial censé leur assurer leur sécurité.
Le problème du déficit fait émerger une autre contradiction. Elle renvoie à une autre période historique : la Pologne, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, où l’on cherchait à se protéger d’une monarchie forte en accordant à chaque membre du Parlement un veto sur des propositions de loi. La contradiction actuelle vient du fait que la seule manière de faire face au déficit serait un accord bipartisan qui réduirait les dépenses et augmenterait les impôts. Craignant d’être accusée de compromissions, la droite populiste se rabat sur les règles du Sénat qui donnent aux membres de la minorité un veto sur le vote des propositions de loi. Du coup, l’action gouvernementale est bloquée. L’Amérique devra aussi bien sortir des contradictions impériales que du blocage gouvernemental. C’est-à-dire n’être ni une nouvelle Rome ni la Pologne qui protégeait une liberté antipolitique. On ne devient pas un empire en un jour, pas plus qu’une institution antipolitique ne s’ancre dans les moeurs si facilement. Mais, pour l’heure, ce sont ces tendances extrêmes qui ont la parole aux États-Unis.