Jean-Claude Juncker a réussi son entrée.
En indiquant à ses nouveaux commissaires, dans des lettres de mission précises, que l’Europe compte un 29ème Etat membre, celui des 25 millions de chômeurs, qui doit mobiliser toute leur énergie et occuper tous leurs travaux, il confirme sa priorité:relancer l’économie européenne.
Pour y parvenir il bouscule tous les codes. La Commission se dote d’un exécutif de sept vice-présidents qui ont autorité sur les autres pour affronter les défis évidents que sont une nouvelle croissance créatrice d’emplois, l’économie numérique, l’énergie et le climat, l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Un Commissaire spécifique sera en charge des migrations. Un premier vice-président, autre innovation, sera quant à lui, avec autorité sur tous les autres, comptable d’une meilleure régulation, c’est-à-dire de moins de législation tatillonne. Car le nouveau président de la Commission entend que son Collège se consacre à l’essentiel et délaisse l’accessoire.
Ce nouvel exécutif comprend cinq anciens Premiers ministres qui ont réussi dans leurs pays, généralement de petite taille et c’est aussi la prise en compte des nouvelles réalités européennes.
C’étaient là des propositions que nous avions - avec d’autres - publiées et réclamées de longue date. Elles traduisent son indépendance et réduisent à néant les commentaires ignorants qui cherchent, entre les uns et les autres, pays, partis, lobbies « qui a gagné, qui a perdu ». Selon les traités, la Commission est composée de personnalités de haut niveau, au service exclusif de l’intérêt commun et non de représentants des Etats. Il était temps de le rappeler.
Reste à réussir les changements, que Jean-Claude Juncker souhaite, à juste titre, introduire dans les pratiques bruxelloises, ce qu’il appelle de nouvelles méthodes de travail. Pour lui, les commissaires sont des responsables politiques et non administratifs, qui doivent travailler en équipe et s’exprimer d’une seule voix, mobilisés sur des priorités ratifiées par le Parlement européen et en accord avec celles du Conseil européen (chefs d’Etat et de gouvernement). La communication et les services de la Commission, qui n’est pas un organe punitif mais doit aider, sont profondément réformés en conséquence.
Ces vrais changements, difficiles à critiquer, feront l’objet d’exégèses et d’études, mais ils traduisent l’urgente nécessité d’un sursaut à la hauteur des menaces qui pèsent sur le projet européen. On espère maintenant que le Parlement européen partagera cette hauteur de vues et que les capitales européennes joueront le jeu, c’est-à-dire assumeront les responsabilités qui leur incombent.
La Commission a désormais un patron et c’est une bonne nouvelle. Il se pourrait même que les institutions européennes, dans leur ensemble, aient trouvé le leur.