La démission de Christian Wulff : un coup dur pour Angela Merkel

Le président de la République fédérale d’Allemagne, Christian Wulff, a démissionné, le vendredi 17 février, deux jours après que le procureur d’Hanovre eut demandé la levée de son immunité. Christian Wulff fait l’objet d’un « fort soupçon de prise illégale d’intérêt » alors qu’il était ministre-président de Basse-Saxe entre 2003 et 2010. Sa démission est un coup dur pour Angela Merkel.

Angela Merkel n’a pas de chance avec « ses » présidents de la République. Christian Wulff est le deuxième chef de l’Etat allemand consécutif qui démissionne avant la fin de son mandat. Son prédécesseur, Horst Köhler, qu’Angela Merkel, alors simplement présidente de la démocratie-chrétienne, était allée chercher à la tête de la Banque mondiale, a brusquement quitté son poste en 2010, un an après sa réélection. Il n’avait pas supporté les critiques publiques que lui avaient attiré ses déclarations sur l’engagement allemand en Afghanistan. Officiellement, celui-ci est justifié par la lutte contre le terrorisme et la défense des droits des Afghans. Horst Köhler avait reconnu que la Bundeswehr défend aussi en Afghanistan les intérêts économiques allemands.

Un baron de la CDU

La chancelière avait profité de son départ pour placer à la tête de l’Etat un baron de la CDU. Christian Wulff, 51 ans, était un de ces jeunes dirigeants chrétiens-démocrates qui, un jour, auraient pu lui disputer sa place. Elle se débarrassait donc ainsi de lui et en même temps s’assurait que la présidence restait dans les mains d’un de ses proches. En Allemagne, le président de la République a surtout des prérogatives honorifiques et morales. Son pouvoir politique est limité, sauf quand les rapports de force parlementaires ne sont pas très clairs. Dans ces moments-là, il lui reste une petite marge de manœuvre pour la désignation du chef du gouvernement. Nul ne sait quel sera le résultat des élections parlementaires de 2013. Si plusieurs coalitions sont possibles, le président aura son mot à dire. Angela Merkel, qui joue toujours un coup d’avance, souhaitait pouvoir compter sur un ami politique.

Trois tours de scrutin

Pour imposer Christian Wulff, elle avait dû batailler. L’opposition social-démocrate et verte avait proposé la candidature d’un homme très populaire, l’ancien pasteur est-allemand Joachim Gauck, qui pendant des années après la réunification avait dirigé l’office responsable des archives de la Stasi. Le choix de ce militant des droits de l’homme sous le communisme était habile. A priori, il aurait dû convenir à Angela Merkel, elle-même originaire d’Allemagne de l’Est, fille de pasteur, née à la politique avec l’effondrement de la RDA. Mais la chancelière avait des préoccupations plus politiciennes qui l’emportèrent. Il a fallu trois tours de scrutin à Christian Wulff pour être élu. Des voix de son camp lui ont à chaque fois manqué.
En Allemagne, le président de la République est élu par l’Assemblée fédérale (Bundesversammlung) qui ne se réunit que pour cette occasion. Elle est composée des députés au Bundestag et du même nombre de représentants des Länder, désignés par les parlements régionaux en leur sein ou en dehors.
Depuis 2010, des élections régionales ont donné la victoire à des coalitions entre le SPD et les Verts. La majorité à l’Assemblée fédérale a changé. Angela Merkel n’a guère d’autre choix que de trouver un consensus avec l’opposition. Et pas seulement pour des raisons arithmétiques. Après deux déconvenues, elle est en position de faiblesse. L’Allemagne a besoin d’un président au-dessus de tout soupçon, qui fasse l’unanimité dans l’opinion, même si les électeurs n’ont pas directement leur mot à dire.

La foi en la démocratie

Christian Wulff a cédé à la double pression de la presse et de l’opinion. Depuis deux mois, il était amené presque jour après jour à se justifier pour avoir bénéficié, avec sa femme, des faveurs de riches amis quand il était ministre-président de Basse-Saxe. Nul ne sait s’il a remercié ses bienfaiteurs avec des avantages dont il disposait en tant que responsable politique. L’enquête le dira. Mais la loi de Basse-Saxe interdit aux ministres de profiter si peu que ce soit de leur fonction. De plus, Christian Wulff est soupçonné d’avoir menti devant le parlement régional de Basse-Saxe quand il a affirmé n’être pas en affaires avec un riche industriel dont la femme lui avait consenti un prêt de 500 000 € pour acheter sa maison. Dans un pays moins rigoureux, ses incartades passeraient pour des peccadilles (surclassement en avion, vacances chez de riches amis en affaires avec le Land, location de voiture à bon compte, crédit à taux avantageux, etc.). Pour aggraver son cas, Christian Wulff a tenté de faire pression sur la presse quand il a appris qu’elle s’intéressait de trop près à son passé. Il a menacé par téléphone le rédacteur en chef de la Bild Zeitung. C’est ce quotidien, le plus vendu en Allemagne (4 millions d’exemplaires), qui a révélé l’histoire du crédit immobilier après avoir pourtant soutenu Christian Wulff en 2010 pour la présidence.
Le magazine Der Spiegel, qui n’a pas été en reste dans les révélations sur les turpitudes supposées du président, pense que Christian Wulff est simplement un arriviste qui n’était pas taillé pour devenir le premier personnage de l’Etat. C’était devenu aussi l’avis d’une grande majorité des Allemands. Conclusion du Spiegel après la démission de Christian Wulff : la démocratie allemande est bien vivante et les citoyens continuent de se faire une haute idée de la politique.