La renaissance du Parti démocrate

Dick Howard, professeur de sciences politiques à la Stony Brook University, New York, analyse les coulisses de la convention démocrate de Denver, qui démarre lundi 25 août 2008. Texte à paraître dans Ouest-France. Dick Howard est notamment l’auteur d’Aux origines de la pensée politique américaine (Ed.Pluriel).

Les délégués du parti démocrate sont réunis jusqu’à jeudi dans le stade de basket des Denver Nuggets. Les ténors du parti prendront la parole les uns après les autres, à commencer par le vétéran sénateur Ted Kennedy. Les jours suivants, on entendra Bill et surtout Hillary Clinton, puis le discours de Joe Biden, candidat à la vice-présidence. Enfin, le dernier soir, Barack Obama prendra la parole, cette fois devant 75.000 personnes dans l’immense stade de football des Denver Broncos. 

Pourtant la télévision ne diffusera que trois heures des fastes démocrates (pas plus, la semaine prochaine, pour les républicains). Evidemment, les fans de la politique qui sont câblés trouveront des émissions plus feutrées pour satisfaire leur appétit, car il va se passer des choses : le parti démocrate est en train de renaître. 

Si ce fait n’apparaît pas au grand public, c’est à cause de la présidentialisation de la vie politique qui suppose que l’image du parti et celui du candidat soient identiques. Or, ce qu’on ne verra pas à la télévision, c’est justement la figure du parti démocrate. Dommage, car le parti est en train de se transformer, et cela n’est pas étranger à la nomination de Barack Obama … ni non plus à son éventuelle victoire en novembre. 

Le rôle historique de Howard Dean

Le renouveau a commencé lorsque Howard Dean, le candidat qui avait su utiliser les possibilités mobilisatrices du net lors des primaires de 2004, s’est fait élire à la présidence du parti en 2005. Sa victoire était fondée sur la promesse de faire une campagne électorale sérieuse dans tous les 50 Etats fédéraux, alors que le candidat de l’establishment clintonien suivait la vieille recette concentrée sur quelques Etats-clés pour remporter les votes nécessaires.

La tactique de Howard Dean s’est révélée payante en 2006 : les démocrates remportaient 31 nouveaux sièges de députés et 6 au Sénat. En même temps, le parti commençait à prendre les postes de gouverneurs, puis le contrôle des assemblées étatiques. Et ça continuait au niveau communal, ce qui ne fut pas étranger aux victoires d’Obama dans les « caucus » à partir de l’Iowa.

Barack Obama s’est inscrit dans ce sillage pour renouveler un parti qui n’était qu’une coalition de fiefs réunis tous les quatre ans avant de se perdre en bagarres par la suite. Se crée une sorte de cercle vertueux où le candidat national communique son prestige à celui de l’Etat qui, à son tour, se porte en aide au candidat local qui, bien connu de ses voisins, va mobiliser de nouveaux soutiens pour la présidentielle.

Les évidences de ce renouveau se feront sentir lors des élections de novembre où les majorités démocrates dans les deux Chambres seront sérieusement renforcées, de même que celles dans les gouvernements des Etats fédéraux. Le règne républicain arrive ainsi à sa fin.

Ne pas se fier aux sondages nationaux

Est-ce que cette stratégie portera Barack Obama à la victoire ? Les sondages nationaux sont trompeurs, car les élections américaines se gagnent Etat par Etat, voix électorale par voix électorale. Sur ce point, les analystes s’accordent pour dire qu’Obama peut compter sur environ 260 des 270 voix nécessaires, alors que McCain n’aurait que 157 votes sûrs – ce qui laisse 121 voix en compétition.

Reste la question du contenu : quel est le « changement » tant promis par Barack Obama ? Cela pose problème, comme le savent les Français, car au-delà de la tactique, il faut communiquer au public une stratégie politique si l’on veut conserver l’enthousiasme mobilisé en début de campagne. Les trois heures télévisuelles de Denver doivent être utilisées à cette fin.