Le mois de toutes les chances

Retour sur le terrain des élus du Congrès qui préparent les élections législatives de novembre au cours desquelles seront renouvelés l’ensemble de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat.

Août est, pour les hommes politiques américains, le moment du retour aux racines. L’élu cherche à faire comprendre aux électeurs qu’il est resté des leurs, même s’il a pu s’éloigner en siégeant à Washington. C’est le mois des town meetings que prisaient déjà les adeptes de Tocqueville, l’auteur du célèbre De la démocratie en Amérique.

Les esprits sont tournés vers les élections de mi-mandat, en novembre, qui renouvelleront la Chambre et un tiers du Sénat. Bien qu’il ne soit pas candidat, ce sera une sorte de référendum sur la politique d’Obama.

Les sondages prévoient de sérieuses pertes pour le parti démocrate, dont la chute a commencé en août 2009. À l’époque, on débattait de la réforme du système de santé : les démocrates étaient divisés sur leur projet, et les républicains unis dans le refus. Dans le vide, naissaient les tea parties, rassemblements pour dire « non » aux choix du Président.

Un an plus tard, et malgré le vote de cette réforme, la flambée populiste continue à se répandre. La méfiance envers Washington reste vive. Un sondage récent montre que 36 % des seniors sont convaincus que cette réforme va instaurer des « comités de mort », qui décideront de la poursuite des soins aux personnes âgées, alors qu’il s’agit, en fait, de garantir à chacun le droit de discuter, avec un médecin qualifié, des traitements à suivre.

Comment peuvent réagir les démocrates ? On dit souvent que l’attaque est la meilleure défense. En l’occurrence, il faudrait faire redouter les conséquences d’une prise de pouvoir républicaine. Or, Barack Obama s’était présenté comme le candidat de l’espoir, qui allait dépasser les divisions et unir le pays. Est-ce que son parti peut tabler sur la peur ?

Malgré ses succès (réels et sous-évalués), Barack Obama n’a pas trouvé le fil conducteur qui donne sens à sa présidence. Ce travail va l’occuper.

En attendant, les tea parties, qui ont revivifié le parti républicain, pourront lui faire du mal. Ces moralistes qui refusent tout compromis risquent de faire peur aux électeurs. Les démocrates pourront rappeler Montesquieu : « Trop de vertu tue la vertu. »

Le véritable enjeu des élections pourrait, lui, favoriser les démocrates. Le gouvernement de George Bush avait fait voter en 2001, puis en 2003, des baisses d’impôts sérieuses. Ces mesures expirent en 2010. Les républicains en demanderont le renouvellement. S’y refuser serait, selon leur logique, « augmenter les impôts ».

La réponse des démocrates sera double. D’une part, ils feront ce que Barack Obama s’est refusé de faire : ils rappelleront que la crise actuelle fut déclenchée en 2008, alors que George Bush était président. Ils souligneront aussi que ces réductions d’impôts ont bénéficié surtout aux couches supérieures. En 1995, les 400 familles les plus fortunées étaient imposées à 35 %, contre seulement 16,6 % en 2007.

Répondre aux calomnies de l’opposition par une politique de justice sociale serait une stratégie fidèle à celle qui donna la victoire en 2008. On proposera de préserver les réductions d’impôts pour les classes moyennes, tout en revenant aux bases de 1995 pour les plus riches. L’opinion sera-t-elle convaincue ? Ce mois-ci peut encore nous surprendre.

(*) Professeur à Stony Brook University, New York, auteur d’Aux origines de la pensée politique américaine (Pluriel).