Les enjeux de la présidentielle

La candidate du Parti des travailleurs, adoubée par Lula, le président sortant dont la popularité ne se dément pas, a recueilli un peu plus de 47% des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle, dimanche 3 octobre. Un deuxième tour sera donc nécessaire à la fin du mois. Selon Antoine Blanca, ancien ambassadeur de France, la personnalisation de la vie politique brésilienne autour de l’exceptionnelle personnalité de Luiz Inácio « Lula » da Silva a eu pour effet d’occulter une partie des enjeux des élections qui concerneront la totalité du territoire et tous les électeurs et électrices. 

En effet, si les Brésiliens votent bien ce jour-là pour un premier tour à l’élection présidentielle, ils doivent aussi renouveler la totalité des 513 sièges de la Chambre des députés, 27 des 81 sièges du Sénat fédéral et élire enfin les gouverneurs des 26 Etats de la Fédération et celui du district fédéral, Brasilia.

Ce sont donc bien des élections générales qui se tiennent le dimanche 3 octobre 2010.

Au niveau de chaque commune, ville et Etat fédéré, le débat est fébrile car les candidats sont localement connus et les citoyens savent que c’est vers eux qu’ils devront se tourner pour faire valoir leurs droits, réclamer le respect des engagements pris et exiger davantage de clarté dans la conduite des différents exécutifs qui vont être renouvelés.

La démocratie et les libertés que celle-ci garantit n’ont pas toujours été la règle au Brésil.

En est témoin la période de dictature militaire qui ne prit fin qu’en 1985, après avoir duré 21 ans. Les deux derniers présidents, Fernando Henrique Cardoso (deux mandats, du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2002) et Lula (à partir du 1er janvier 2003), ont vécu, chacun de leur côté, très durement cette période. Le premier partit en exil, le second participa à la création et au fonctionnement clandestins d’un nouveau syndicalisme et visita à plusieurs reprises les geôles du régime.

DICTATURE MILITAIRE

Le coup de force de l’armée brésilienne, le 31 mars 1964, est le premier qui, dans la région, institue une dictature sous les auspices de la doctrine dite de « sécurité nationale » voulue par Washington, au prétexte que la Révolution cubaine risquait de faire des émules. Naturellement, les Etats-Unis reconnaissent immédiatement le nouveau régime, donnant ainsi leur bénédiction au renversement du gouvernement travailliste de João Goulart, démocratiquement élu et internationalement reconnu. Le pays ne connaît pourtant aucune guérilla, ni aucun autre type de mouvement armé de gauche. Le temps du recours aux armes ne vient qu’après la prise du pouvoir par les militaires. Et se trouve atrocement réprimé avec la création d’escadrons de la mort et d’une école d’enseignement « scientifique » de la torture – enseignement dont ils font profiter, avec générosité, leurs collègues des pays voisins.

Les Etats-Unis encouragent dans les années 1970 le prolongement de « l’exemple brésilien » en Uruguay, au Chili et en Argentine. Pendant 21 ans, les généraux se succèdent, à intervalles réguliers, pour exercer à tour de rôle la présidence de la République fédérative. Il s’agit du pouvoir autoritaire d’une institution, non celui d’un homme.

Si la militarisation du Brésil ne provoque pas un rejet de la communauté démocratique occidentale semblable à celui qui touche les autres pays affectés par le même mal, c’est sans doute parce que généraux et amiraux s’efforcent de donner, progressivement, un vernis plus libéral au régime. Une fois les mouvements de résistance armée matés ou exterminés, ils autorisent, en faisant entrer des politiciens civils dans leur jeu, deux forces politiques institutionnalisées : l’une de soutien au régime, l’ARENA (alliance pour la rénovation nationale), et l’autre promise à jouer le rôle d’« opposition de sa Majesté ». La conséquence est l’unification forcée de tous les adversaires du coup d’Etat de 1964, des maoïstes au centre-droit. Le Mouvement démocratique brésilien (MDB), devenu force politique et électorale, va devenir en effet le fondement de l’alternance lorsque des personnalités telles que le futur Président Cardoso reviennent d’exil à la fin des années 1970 et deviennent parlementaires dans ce qui avait cessé d’être un parlement croupion.

Les militaires promulguent en 1969 une Constitution qui n’est démocratisée (élection du président au suffrage universel, notamment) que vingt ans plus tard.tions du 3 octobre 2010

SEIZE ANNEES QUI ONT CHANGE LE BRESIL

Il serait injuste d’oublier que le processus de changement qui a permis au Brésil d’occuper la place qui est la sienne à la tête des pays émergents a été entrepris huit ans avant la première élection de Lula en 2002.

Le rôle joué par Fernando Henrique Cardoso a été essentiel dans ce processus de rénovation et de consolidation démocratiques.

Elu sénateur de São Paulo en 1982, après un retour de son exil en France, sous l’étiquette duMDB, alors opposition officielle, Fernando Henrique Cardoso s’implique à fond dans la préparation du retour du pays à l’Etat de droit ; le MDB se transforme peu après en PMDB avant que le futur président ne fonde le PSDB ou « parti de la social-démocratie brésilienne ». Sa stature d’homme d’Etat s’impose lorsque l’éphémère président Itamar Franco le nomme successivement ministre des Relations extérieures puis patron de l’Economie avec des prérogatives étendues. L’inflation culmine alors à 6000 % (1993). Avec son « plan Real », il réussit le tour de force de la juguler.

C’est avec l’auréole de sauveur qu’il se fait élire au premier tour le 4 octobre 1994 (53 % contre 32 % à Lula, son plus proche concurrent). Après avoir fait amender la Constitution, il se fait réélire quatre ans plus tard (toujours contre Lula). Outre le rétablissement des comptes de la nation, les démocrates du sous-continent lui doivent la « déclassification », en l’an 2000, des documents militaires concernant l’Opération Condor qui visait à coordonner les efforts de toutes les dictatures de la région pour la liquidation des mouvements de gauche, ou simplement démocratiques et humanistes.

Opération dont l’armée brésilienne était la clé de voûte.

Fernando Henrique Cardoso (FHC pour les Brésiliens) contribue puissamment, pendant les huit ans de sa présidence, à enraciner la normalité démocratique dans son pays et, par la reconnaissance universelle de sa personnalité, au prestige du pays tout entier. L’action de son gouvernement est aussi remarquable en matière d’éducation et

de progrès social. Les taux de mortalité des jeunes enfants ont, pendant les huit années de FHC, nettement chuté, passant de 60 à 36 pour 1 000 en 2001 (source OMS).

Dans un autre domaine, le taux d’inscription dans les établissements secondaires progressait notablement en passant de 15 % en 1990 à

71 % en 2000. En revanche, il échoue, faute de majorité cohérente, dans ses grands projets de réforme fiscale et de « sécurité sociale ».

On aurait toutefois pu attendre d’un président se réclamant personnellement du réformisme socialiste autre chose qu’une série de privatisations de secteurs clés de l’industrie du pays.

Par rapport à son prédécesseur, Lula incarne tout à la fois continuité – dans le domaine de la consolidation démocratique et économique principalement – et rupture.

Seize ans de stabilité institutionnelle ont assuré au Brésil une place privilégiée en Amérique latine et, au-delà, dans la société des nations.

Rupture parce que, dans un régime présidentiel, le style et l’origine professionnelle et sociale du chef de l’Etat comptent beaucoup. FHC est un universitaire rayonnant dans plusieurs mondes, connu pour ses œuvres et son enseignement bien avant de l’être en politique. Son livre (co-signé avec le Chilien Enzo Feletto), Dépendance et développement, a été traduit dans plusieurs langues et est encore étudié dans nombre de facultés bien que sa première publication remontât à 1969. Il est presque un prototype de l’intellectuel de gauche (venu de l’extrême-gauche, bien entendu), de culture universelle, polyglotte et séduisant. Il était admiré et respecté par ses électeurs de Saõ Paulo d’abord, par tous les citoyens plus tard. Il a mis ses immenses capacités au service de son pays en dépassant les frontières de son académisme. Ses années d’exil, la fréquentation assidue à cette époque des réunions de l’Internationale socialiste, lui ont permis de connaître, parfois de se lier d’amitié avec tous les leaders sociaux-démocrates européens. Il avait réuni tous les atouts pour s’imposer dans le continent qui était le sien et pour adapter la somme de ses acquis aux réalités du Tiers Monde. Pour un intellectuel qui s’est passionné pour les problèmes du développement, présider aux destinées de l’un des plus grands d’entre eux a constitué une sorte d’achèvement.

Luiz Inácio « Lula » da Silva vit au contraire le sous-développement dès sa naissance.

Né le 6 octobre 1945 dans l’Etat de Pernambouc, dans le Nord-Est misérable, il n’a que sept ans lorsque, avec frères et sœurs, il suit sa mère vers la principale terre des émigrés de l’intérieur, l’Etat de São Paulo. Comme des centaines de milliers de ses concitoyens. C’est la ville immense, le mirage et le rêve, la plus grande métropole du Brésil, son coeur industriel et commercial. La famille devait rejoindre le père parti en avant-garde et employé sur un chalutier du port de Santos, mais celui-ci avait refait sa vie. Sa mère met alors tout le monde au travail. Opération survie ! Pour Lula, dès l’âge de dix ans, c’est l’aventure de la rue, les petits métiers : cireur de chaussures ou colporteur. Il a ensuite la chance de devenir ouvrier métallurgiste, dans l’automobile, après un dur apprentissage. Il découvre très vite le syndicalisme, d’abord dans le quartier de São Bernardo, celui de l’industrie lourde, avant de devenir, à l’âge de trente ans, président du syndicat de la métallurgie. C’est un tribun redoutable, qui porte une barbe noire mal taillée et dont la chevelure en bataille cache mal les grandes oreilles décollées. En 1979, il vient à Paris à la tête d’une délégation ouvrière. Il est reçu au 10 de la rue de Solférino par Lionel Jospin, alors secrétaire aux relations internationales du Parti socialiste. Un an plus tard, il fonde le Partido dos Trabalhadores, le PT, organisation politique composite d’ouvriers chrétiens et d’intellectuels plus ou moins trotskistes.

En fait, tout reposera sur le charisme de la personnalité de Lula. Il échoue à se faire élire gouverneur de São Paulo, finit par être élu député fédéral, mais se porte candidat trois fois sans succès à l’élection présidentielle. Mais toutes ces campagnes lui ont permis de tisser sa toile, un solide réseau d’amitiés et de compétences, un vrai parti dont les failles sont typiquement brésiliennes – la place faite au génie de l’improvisation étant prépondérante dans ce genre d’entreprise à la fois collective et personnelle.

L’une des forces de Lula est de savoir tirer les leçons de la vie après chacun de ses échecs, de couper sans trop d’états d’âme les mauvaises branches de l’arbre par lui planté et de ne pas craindre d’aller chercher des compétences en dehors de son premier cercle, chaque fois que cela s’avère nécessaire. C’est de cette manière qu’il a reçu auprès de lui Dilma Rousseff, l’actuelle candidate à la présidence.

BILAN PROVISOIRE DES ANNEES LULA

Dès son entrée dans ses bureaux présidentiels le 1er janvier 2003, Lula va surprendre tous ceux qui attendaient de ce chantre de la « démocratie participative » expérimentée à Porto Alegre une marche en avant volontariste prenant à contre-pied le chemin emprunté par son prédécesseur FHC. Dans son discours inaugural, il confirme d’ailleurs les craintes des « marchés » et du monde des affaires en affirmant :

« Le changement, voilà notre mot d’ordre… L’espoir a vaincu la peur, notre société a décidé qu’il était temps d’emprunter une nouvelle voie. »

Mais Lula a pleine conscience des limites de son pouvoir dans un monde dominé par le libéralisme économique.

Aussi le nouveau président évite de s’attaquer de front au Fonds monétaire international (FMI) avec lequel il engage, en relation avec le gouvernement argentin, des négociations serrées en vue d’obtenir un assouplissement de ses exigences. Le succès est partiellement au rendez-vous et les capitaux, brésiliens et étrangers, qui avaient

commencé à se mettre à l’abri, entament l’opération « retour ». Les investissements étrangers avaient baissé de 22 milliards de dollars. Un an plus tard, ils sont largement dans le vert. Auparavant, il avait nommé un ancien trotskiste, converti comme nombre de ses semblables à l’économie de marché, au ministère en charge des négociations et Antonio Palocci a fait du zèle dans le social-libéralisme.

La reprise économique se confirme à la fin du premier semestre de 2004, et ce dans presque tous les secteurs : production industrielle en forte hausse, chômage en baisse sensible, croissance estimée à 3,5 % pour la fin de l’année. Les sondages portant sur la popularité du chef de l’Etat marquent une amélioration significative, approchant les 60 %. Dès l’année précédente, les objectifs que le gouvernement avait fixés, en accord avec le FMI, ont d’ailleurs été atteints.

Il devient alors urgent de penser aux électeurs qui avaient élu un gouvernement du Parti des travailleurs pour améliorer leurs conditions de vie pour les uns, pour les sortir simplement de la misère, fût-elle au soleil, pour la plupart. La base commence en effet à gronder.

Lula annonce en janvier 2004 la fin de la politique de rigueur. Il fait face aux difficultés avec beaucoup de sang froid. Un premier scandale de corruption est traité durement contre les coupables ou présumés tels. Au cours de l’année 2006, il renvoie Palocci, le trotskiste hyper libéral, et nomme une personnalité plus conforme aux souhaits du Parti.

C’est l’année électorale. Le président sortant se représente et se doit de soigner davantage son électorat naturel qui apprécie les résultats positifs dans le rétablissement des comptes du pays, la lutte contre la faim, contre la pauvreté et dans le domaine de la santé, tout en exigeant davantage de rigueur pour combattre la corruption endémique (qui n’épargne pas les rangs du pouvoir) et la violence.

Lula doit attendre le deuxième tour pour retrouver son fauteuil à Brasilia.

Son deuxième mandat est celui de la plénitude : il est désormais en mesure de tenir ses promesses de 2002 sans pour autant mettre en péril la crédibilité internationale de son pays et les grands équilibres internes.

Il ordonne immédiatement que soient débloqués 2,6 milliards d’euros (3 milliards de dollars) destinés à l’amélioration des conditions de vie dans ces sortes de bidonvilles que sont les favelas et il met en place une politique de grands travaux : collecte des eaux usées, raccordement à l’eau potable et à l’électricité, goudronnage des principales voies d’accès. Les citoyens de la périphérie des grandes agglomérations, où quatorze millions de Brésiliens vivent dans les favelas, se sentent enfin pris en compte.

Sur un autre plan, le catholique Lula – JOCistes et syndicalistes chrétiens sont la base la plus consistante du PT – affronte un Vatican déchaîné en prenant parti pour la légalisation de l’avortement. Il gagne l’épreuve de force en tenant bon.

Le 21 décembre 2009, il lance le IIIème programme des droits de l’homme en mettant en marche un train de mesures et de lois nouvelles de protection des citoyens qui met le Brésil en conformité avec les conventions les plus exigeantes des Nations Unies dans cette matière toujours délicate à traiter dans les pays en développement. Un bras de fer s’est d’ailleurs engagé avec les militaires à propos de la mise en place de la Commission dite de « réconciliation » qui devra traiter des abus criminels imputés à la dictature des Forces armées.

Au cours de ce deuxième mandat qui s’achève, tout sourit à Lula.

Dans le domaine des relations internationales, il est devenu, lui le seul lusophone de la région, incontournable dans le règlement des problèmes ou conflits entre Etats hispanophones. Les Etats-Unis apprécient aussi les relations qu’il a su établir avec les pays d’Afrique et du Moyen-Orient avec lesquels Washington est en conflit larvé permanent. L’ONU ne cesse de faire appel à son entregent. Fidel Castro est son ami personnel, tout comme le sont le Bolivien Evo Morales et le Vénézuélien Hugo Chávez. Tous les autres présidents se disputent d’ailleurs l’honneur de pouvoir se réclamer de son amitié !

Les pays de l’Union européenne le portent aux nues, mais aussi les Russes, les Chinois, les Indiens.

Il est donc au sommet de sa gloire avec 84 % d’opinions favorables parmi les électeurs.

La Constitution n’autorise pas trois mandats consécutifs et Lula, avec sagesse, a refusé d’avoir recours à un « plébiscite » pour la modifier. Il a seulement un peu bousculé la loi en faisant ouvertement campagne pour sa candidate avant la date l’autorisant à intervenir. Il a été alors dûment réprimandé par le Tribunal suprême ce qui, en apparence, ne lui a pas enlevé le sommeil, ni coupé l’appétit...

LA PROCHAINE PRESIDENTE DU BRESIL

« J’ai été le premier ouvrier président du Brésil. Dilma sera la première femme à la tête de ce pays ». Au début de cette année, Lula exprimait ainsi, en annonçant son choix aux cadres du PT, sa certitude de voir celle qui avait été sa collaboratrice discrète, compétente et dévouée, promise au plus grand des destins. Ce pronostic, à l’époque, n’était pas évident. Et ce pour plusieurs raisons :

– si Dilma Rousseff avait bien occupé le poste de ministre de « la Maison civile », presque l’équivalent de Premier ministre dans le système gouvernemental brésilien, si elle avait été remarquée pour sa totale disponibilité, sa redoutable efficacité et sa réputation d’incorruptible, elle était en revanche peu connue de la base militante du PT auquel elle n’avait adhéré que tardivement ;

– elle n’avait jamais occupé de fonction élective et d’aucuns lui avaient fabriqué un costume de technocrate ;

– l’an dernier, elle s’était retirée de la vie publique après avoir annoncé qu’elle devait subir une chimiothérapie mais qu’elle était presque certaine de guérir ; cet épisode créa à l’époque nombre de spéculations et de calculs ;

– après sa désignation par Lula, et avant d’être confirmée par le congrès de son parti, Dilma Rousseff n’était placée qu’en deuxième position dans les sondages, assez loin derrière l’ancien gouverneur PSDB de São Paulo José Serra.

Mais l’appui enthousiaste (et constitutionnellement prématuré) que lui apporte le président, fort de son immense popularité, doit vite changer la donne en sa faveur. Dès le mois de juillet 2010, Dilma Rousseff passe en tête dans les sondages et ne cesse de creuser l’écart, semaine après semaine. De retour sur le devant de la scène, la candidate est apparue changée – formes plus arrondies, nouvelle coiffure – en un mot elle s’est féminisée. Ce changement a visiblement plu à l’électorat brésilien.

Dans le même temps, le principal adversaire, le parti social-démocrate PSDB, fait étalage de ses faiblesses et de ses divisions, desservant rudement son candidat Serra. Dilma Rousseff est une mineira (elle a été d’ailleurs ministre des Mines avant de diriger le cabinet présidentiel), née en 1947 dans la capitale de l’Etat deMinas Gerais, Belo Horizonte. Si sa mère est une fille du pays, son père Pedro était un militant ouvrier bulgare, réfugié en France pour raisons politiques de 1929 à 1946 avant d’émigrer en Argentine, puis au Brésil.

Dilma Rousseff a lutté activement contre la dictature militaire (une biographie officielle la qualifie d’ancienne guerrillera). Elle a été emprisonnée pendant trois ans. Les observateurs la situent à l’aile gauche du PT. Mais en vérité elle sera avant tout fidèle à Lula, dont elle suivra les conseils et, disent beaucoup, préparera le troisième mandat de ce dernier dans quatre ans. Si elle est élue, elle entrera en fonction à Brasilia le 1er janvier 2011.

LES LIMITES DU POUVOIR DU PARTI DES TRAVAILLEURS

Le prestige national et international de Lula, sa capacité à négocier des partenariats parfois bien improbables, sa connaissance de tous les terrains sociaux, dans les 26 Etats de la République fédérative et dans le district de Brasilia, grâce à son inlassable action de syndicaliste puis de chef de l’Etat, ont masqué une réalité qui peut se manifester davantage avec le changement de président : le PT ne dispose pas d’une majorité au Congrès de la Nation (parlement, Chambre des députés et Sénat), pas plus qu’il n’est majoritaire en nombre de gouverneurs des Etats.

Le parti de Lula a donc été dans l’obligation de passer des accords avec des adversaires politiques afin de pouvoir gouverner et faire passer son programme législatif. Des compromis qu’il a fallu négocier et faire approuver par les instances dirigeantes d’un parti où l’aile marxiste trotskisante est loin d’être insignifiante.

Ces accords de législature, qui devraient être reconduits sans problème, concernent surtout le Parti du mouvement démocratique brésilien et son chef, l’ancien président José Sarney. Cette personnalité de centre-droit (dont le parti ne présente pas de candidat à la présidence) paraît se satisfaire d’être à la tête du Sénat, avec l’appui négocié, à charge de réciprocité, du PT. Il sera sans doute reconduit dans ses hautes fonctions. Le PMDB est le premier parti de la Chambre des députés sortante (89 contre 81 au PT et 66 au PSDB), il est aussi bien représenté au Sénat et compte de nombreux gouverneurs. Il s’agit donc d’un parti de notables, de caciques grands et petits bien implantés au niveau local et régional. Des notables que, d’une certaine manière et sans vouloir être désobligeant, Lula a neutralisé en leur donnant quelques bons os à moelle à ronger.

Malheureusement, selon notre sentiment, aucune négociation globale n’a jamais existé entre le PT et le PSDB qui lui est, théoriquement, plus proche. Et qui, disons-le en passant, est membre de l’Internationale socialiste (à laquelle le PT a toujours refusé d’adhérer).

Mais cela fait partie des singularités de la démocratie brésilienne.