Paul Ryan, un législateur au Tea Party

A moins de trois mois des élections aux États-Unis, nous publions chaque semaine la chronique de Dick Howard, professeur de philosophie politique à la Stony Brook University dans l’Etat de New-York.

 Mitt Romney a choisi pour colistier Paul Ryan, définissant ainsi le « ticket » Républicain. Malgré les arguments que j’avançais ici la semaine passée concernant la disparition du centre modéré du parti Républicain, j’avoue ma surprise. Jusqu’ici, la campagne de Mitt Romney jouait la carte de la prudence. Sa tactique consistait à identifier Barack Obama avec une économie en crise. L’élection devait être une sorte de referendum sur cette économie. L’homme d’affaires qu’est Romney serait alors plébiscité par les électeurs. Cette tactique lui permettait de s’attaquer au président sans dévoiler le détail de ses propres propositions. La prudence aurait donc dicté le choix d’un modéré comme colistier. Or, Paul Ryan est un idéologue de droite, un favori du Tea Party, dont l’emprise sur le parti Républicain est confirmée par sa désignation. Cette candidature signale un changement de tactique du camp Romney car Paul Ryan, qui préside la commission des affaires budgétaires au Congrès, a déjà détaillé son plan de réforme fiscale. La teneur de la campagne changera ; de négative elle deviendra plus positive, les projets devront se préciser. Et, du même coup, Barack Obama pourra se recentrer, car face aux propositions radicales il se présentera comme le défenseur pragmatique des avantages du système hérité du New Deal.

 

« Le prochain président des Etats-Unis »

 

Les commentateurs ont remarqué la gaffe de Mitt Romney qui présentait le jeune député Paul Ryan comme « le prochain président des États-Unis ». Et l’on peut en effet se demander lequel des deux Républicains incarne la tête de liste. Ce n’est sans doute pas un hasard si le bus de campagne de Romney affiche maintenant le slogan « The Romney Plan ». Paul Ryan, qui a passé quatorze de ses quarante deux ans au Congrès, s’est acquis la réputation d’ « intellectuel » à cause de ses propositions de lois radicales qui représentent une sorte de synthèse de l’économiste libéral Friedrich von Hayek et de la romancière libertaire Ayn Rand. Plus récemment, Paul Ryan a fait voter un projet de loi qui taillerait dans les dépenses gouvernementales, y compris les budgets de la sécurité sociale et les assurances santé, tout en réduisant les impôts des riches. Interrogé sur la radicalité des mesures proposées, il a répondu que « Ce n’est pas un budget. C’est une cause  ». Et quelle est cette cause ? C’est de mettre fin au monstre froid qu’est le gouvernement, qu’il faut réduire comme peau de chagrin pour laisser fleurir la libre entreprise, qui est la seule liberté qui compte, semble-t-il.

 

Paul Ryan n’est pas Sarah Palin

 

Si on a l’impression de revivre le choix de Sarah Palin par John McCain il y a quatre ans, en voyant un candidat en difficulté jouer son va-tout en nommant comme colistier l’incarnation d’une cause à fortes résonances morales, dans l’espoir de revivifier sa campagne, il ne faut cependant pas confondre la forme et le fond. Dans les deux cas le candidat a eu recours à un favori du Tea Party. Pour la forme, oui, c’est la surprise, le choc quasi chimique de la combinaison d’éléments si différents. Au début, la mayonnaise semble prendre ; mais la suite reste à déterminer. Et c’est dans ce contexte qu’on voit la différence d’avec 2008. Car le fond chez Paul Ryan ne manque pas de profondeur. Depuis 2007, il réunit un groupe de députés tous les mercredis pour discuter des projets de loi. Il est le principal auteur de 71 propositions de loi, souvent très détaillées, et pendant ses 14 ans au Congrès il a affiché sa signature sous 971 propositions de loi. Donc, l’homme sait de quoi il parle. Reste à savoir ce qu’en penseront les électeurs lorsqu’ils apprendront en détail quelles sont les coupes budgétaires nichées dans le projet de Paul Ryan. 

 

Il faut rappeler que Paul Ryan n’est que le candidat à la vice-présidence. On peu t s’interroger sur l’apport tactique de sa nomination à la candidature de Mitt Romney. Romney avait gagné la nomination du parti Républicain un peu par défaut : l’un après l’autre, ses opposants disparaissaient, et voilà que début avril, il s’est trouvé le dernier à rester debout ! Il lui fallait utiliser les quatre mois avant la convention Républicaine pour consolider son emprise sur le parti et conquérir les cœurs. La nomination de Paul Ryan est le constat de son échec. Il n’est pas sûr que Paul Ryan apporte à Mitt Romney ce dont il a besoin ; pour le moment il a du moins changé le sujet. Mais c’est au prix d’un renforcement de la puissance du Tea Party au sein du parti Républicain.