Quelques enjeux des élections

Les campagnes commencent désormais à cibler certains secteurs du public, par exemple les femmes. Un sondage récent de Gallup/USA Today fait état en effet d’une augmentation notable de la popularité de Barack Obama chez des femmes en dessous de l’âge de 50 ans. Cela peut s’expliquer par deux facteurs dont les effets se rejoignent : 1) le féroce débat sur le remboursement des frais de la contraception occasionné par la mise en œuvre de la réforme des assurances santé, et surtout par les prises de position absolutistes de certains ténors républicains ; 2) le plan budgétaire de Paul Ryan, voté par la majorité républicaine à la chambre et soutenu par Mitt Romney. Au delà des mesures draconiennes envers les laissés-pour-compte sociaux, accompagnées par des réductions d’impôts pour les plus riches (les 1% dénoncés par « Occupy Wall Street), ce plan mettrait fin aussi aux services du Planning Familial.

Occupy Wall Street une sorte de « réponse » de la gauche au Tea Party

Certains ont vu dans Occupy Wall Street une sorte de « réponse » de la gauche au Tea Party ; il y a en effet des parallèles avec le Tea Party parce que « Occupy » est un mouvement assez divers qui s’est propagé à la base de façon anarchique, sans leaders ni institutions. C’est un mouvement qui fait appel à des valeurs situées au delà, ou parfois en deçà, de la politique politicienne. Cette sensibilité antipolitique partagée, qu’on rencontre à d’autres moments de l’histoire des Etats-Unis, exprime à la fois la force et la faiblesse de tels mouvements. Ils sont guettés par ce que les grecs appelaient l’hubris, le refus de toute limite. Ainsi, par exemple, les républicains à la Chambre refusent des compromis sur la dette, qu’ils dénoncent comme des compromissions. Cela explique sans doute que seulement 30% des sondés en ont une opinion positive, contre 51% de négatives. « Occupy » prépare une série d’actions autour du premier mai. On verra s’ils sont capables de devenir une vraie force réformiste, poussant le parti démocrate à prendre des positions progressistes sans tomber dans l’absolutisme, ou l’anarchisme, antipolitique.

Le marché ne garantit pas l’équité

Mais ni les jeunes femmes ni « Occupy » ne font une majorité... Obama peut jouer avec autres atouts, sur d’autres « poches » d’électeurs. Le contraste des deux candidats sur la fiscalité (aussi bien sur le poids de la dette que sur le déficit budgétaire) est important. Le projet de Paul Ryan, accepté par Mitt Romney, propose des réductions d’impôts qui avantagent nettement les plus riches. Obama propose ce qu’il appelle la « règle Buffett » selon laquelle le milliardaire d’Omaha, Warren Buffett ne paierait pas un pourcentage d’impôts moins élevé que sa secrétaire (qui est imposée à 30%). Il souligne par ailleurs que Mitt Romney n’a payé en 2010 que la modique somme de 13,7% sur ses millions. Enfin la position d’Obama fait appel à une valeur fondamentale : le fairness, autrement dit, l’équité (qui n’est pas synonyme de l’égalité et ne peut être garantie par le marché seul).

Mais les arguments du président risquent d’être souvent négatifs (à moins que la reprise économique ne s’installe pour de bon). Il dénoncera les effets du programme républicain sur les vieux, les enfants et plus largement sur ceux qui dépendent de l’aide de l’Etat pour faire face aux aléas de la fortune. En effet, le Plan Ryan promet de compenser les réductions des impôts par l’élimination des « niches » et des réductions budgétaires non spécifiées. Une élection cependant ne se gagne pas simplement à coup de spots négatifs… depuis trois mois, les différents sondages donnent des résultats sommes toutes similaires : entre 45 et 48% pour Obama et 42-47% pour Romney.

10% d’électeurs à convaincre

Ces 10% d’ « indécis » qui décideront de l’avenir des États-Unis, je ne suis pas sûr que ce soient des indécis dans un sens péjoratif. Ces chiffres sont similaires à ceux qu’on a connus en 2004, lorsque George Bush s’est représenté. On se souvient que cette élection-là se décidait autour des questions de politique sécuritaire, Bush ayant réussi à dépeindre John Kerry comme une colombe, un faible incapable de défendre un pays toujours sous le choc des attentats du 11 septembre. En l’occurrence, c’étaient les indécis qui portaient Bush. Or, le bilan d’Obama sur les questions de sécurité est, somme tout, positif. Il a mis fin à l’aventure malheureuse en Irak, sa poursuite d’Al Quaeda, qui continue, a abouti à la mort de Ben Laden, l’intervention en Libye était réussie, et la retraite des troupes en Afghanistan suit son cours. La politique diplomatique patiente envers l’Iran semble porter des fruits, et en tout cas contraste avec le va-t-en-guerre israélo-républicain de Romney, dont les déclarations rappellent trop la politique cowboy de George Bush. C’est pourquoi je pense que le vote Obama sera un choix de la raison plutôt qu’un reflexe de la peur.