Succès de l’Europe au Kosovo

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Cinq ans après la déclaration d’indépendance du Kosovo, rejetée par la Serbie, un premier accord vient d’être signé entre Belgrade et Pristina. Sous l’égide de l’Union européenne, les deux pays ont l’espoir de normaliser leurs relations et d’effacer les traces de la guerre de 1999. Cet accord, qualifié d’historique par de nombreux observateurs, est l’aboutissement d’un long et difficile dialogue, qui s’est noué depuis quelques années entre les deux parties et qui a été rendu possible par d’importantes concessions mutuelles.

Sans aller jusqu’à reconnaître formellement le Kosovo, Belgrade renonce de facto à le considérer comme une partie de la Serbie et accepte donc qu’il échappe à sa souveraineté. Pristina, de son côté, consent à tenir compte des revendications des Serbes du Kosovo en leur accordant une large autonomie, en particulier dans le domaine du développement, de l’éducation, de l’urbanisme, là où ils constituent une majorité ethnique, c’est-à-dire dans le nord du pays.

Un compromis a notamment a été trouvé sur la question la plus sensible, celle de l’organisation de la sécurité et de la composition des forces de police, qui était l’une des sources du blocage. Certes rien n’est acquis : tout dépendra de l’application qui sera faite de ces dispositions, d’ores et déjà critiquées par une partie de la communauté serbe. Mais le pas accompli mérite d’être salué. Il crée en effet les conditions d’un apaisement dans une région où les tensions restent vives et il ouvre la voie d’une sortie de crise, longtemps attendue par les principaux protagonistes.

Deux hommes que tout séparait, le premier ministre serbe, Ivica Dacic, qui fut jadis un proche de Slobodan Milosevic, et son homologue kosovar, Hashim Thaçi, ancien combattant de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), ont été les artisans de la négociation. Mais celle-ci n’aurait pu être menée à bien sans l’insistance de Catherine Ashton, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, qui s’est fortement impliquée dans le dossier. Souvent décriée pour son manque d’engagement et de visibilité depuis sa prise de fonction en décembre 2009, la haute représentante remporte un premier succès diplomatique, qui vient opportunément redorer son blason.

L’Union européenne elle-même va tirer bénéfice de l’événement. Elle apporte en effet la preuve qu’elle est capable de se montrer efficace dans la gestion d’un conflit à ses frontières, au cœur de ces mêmes Balkans dont elle n’avait pas su éviter l’embrasement il y a vingt ans, affichant alors son impuissance et ses divisions. Aujourd’hui sa médiation est la clé du succès.

L’UE démontre en même temps la persistance de son pouvoir d’attraction sur les pays qui n’en sont pas encore membres. Car c’est bien la perspective d’une adhésion qui explique l’esprit de conciliation manifesté par les deux parties. Cette promesse a toujours été l’arme principale de Bruxelles pour tenter de calmer les passions nationalistes. En dépit des incertitudes de la politique d’élargissement, cette arme n’a pas encore épuisé ses effets. La Commission européenne en a pris acte en recommandant l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Serbie.

Avec l’entrée prochaine, le 1er juillet, de la Croatie dans l’Union européenne et le début du rapprochement avec la Serbie, l’intégration des Etats de l’ex-Yougoslavie revient à l’ordre du jour. Mais le chemin sera long. La candidature du Kosovo est d’autant plus incertaine que cinq Etats de l’UE refusent toujours de le reconnaître. La fragilité de la Bosnie-Herzégovine, les querelles autour du nom de la Macédoine, les difficultés du Monténégro et de l’Albanie freinent le processus d’adhésion. L’accord entre la Serbie et le Kosovo n’en rappelle pas moins la « vocation européenne » des Balkans occidentaux.