Un nouveau paysage politique en Colombie

Le président colombien Alvaro Uribe atteint des records de popularité dans son pays après l’opération qui a permis de libérer, le 2 juillet dernier, quinze otages des FARC parmi lesquel Ingrid Betancourt. Si Alvaro Uribe décide de se représenter en 2010, il devra d’abord obtenir une nouvelle modification de la loi fondamentale. Une inconnue demeure : Ingrid Betancourt se présentera-t-elle ? (traduction : FdA).

On le constate désormais : les FARC sont beaucoup plus affaiblies que ce que la gauche a bien voulu reconnaître. Mais il serait prématuré de prédire leur fin imminente, ne serait ce qu’à cause de l’isolement dans lequel se trouvent les 73 fronts plus ou moins opérationnels, un élément qui complique la négociation, reddition ou liquidation de la grande majorité de ceux-ci. Les FARC n’ont aucun espoir de s’en sortir du fait d’une conjonction de facteurs : la capacité technologique de l’armée dans le domaine de la surveillance et la traque, ajoutée aux progrès du renseignement militaire ; le succès du programme de récompenses pour désertion et délation auprès des cadres de la guérilla ; et par-dessus tout la ténacité du président Uribe dans sa conviction que la voie qu’il a choisie était la bonne.

L’avenir d’Uribe 

Si le président Uribe insiste pour briguer un troisième mandat en 2010, il ne devrait pas rencontrer d’obstacle pour l’en empêcher et, sauf imprévu, l’élection devrait être une promenade de santé. Avant la libération des otages, ceci ne pouvait pas être tenu pour acquis, tant pour des raisons politiques que légales, comme souvent en Colombie. Elu en 2002, réélu en 2006 grâce à un amendement de la Constitution lui permettant de solliciter un second mandat consécutif, Uribe devrait procéder à une nouvelle modification des textes afin de se représenter en 2010. Au lendemain de la libération des otages, la Cour constitutionnelle a débouté la Cour suprême qui réclamait un réexamen du processus législatif de 2005. Alvaro Uribe avait alors immédiatement annoncé qu’il soumettrait la question de la légitimité de sa réélection à référendum. Ces verrous ont aujourd’hui bien peu d’importance devant la marée d’un « uribisme » croissant. Le président doit pourtant épargner au pays cette absurde réélection, qui, par ailleurs, aurait un coût financier important.

L’hypothèse Betancourt 

La succession s’agite. D’un coté le ministre de la Défense, Juan Manuel Santos, candidat obstiné mais peu populaire, comme l’était Ingrid Betancourt en 2002, a gagné du poids auprès de l’électorat et rêve d’être introduit en tant que successeur par Alvaro Uribe. Mais Ingrid Betancourt n’a pas dit son dernier mot. Bien que l’ex-otage eût l’air d’être en pleine santé lors de sa libération, il serait logique qu’elle se donne un laps de temps convenable avant d’annoncer si elle se considère « présidentiable ». Tout ce que l’on sait de ses années dans la jungle, tels ses projets de train à grande vitesse transcolombien et la liste interminable de mesures qu’elle prendrait pour le bien du pays, porte à croire qu’elle pensait déjà à la présidence quand elle était otage ; mais la nouveauté est qu’elle pourrait être la propre candidate d’Uribe si ce dernier devait renoncer à se représenter, à moins qu’elle choisisse de prendre les couleurs du Polo Democratico, coalition de gauche qui, avant sa réapparition, était la seule force capable de s’opposer au président. Mais le « Polo » est affaibli : un des points les plus appréciés du programme du Polo Democratico, la fin du conflit par la négociation, n’est plus d’actualité. Or un tiers de l’électorat colombien pense que la fin des FARC est proche.