Dilma maintient le cap

Fidèle à l’héritage de Lula, la présidente brésilienne consolide le statut de puissance émergente conquis par son pays. Son bilan est toutefois terni par les nombreuses affaires de corruption qui touchent son gouvernement.

Depuis l’accession de Dilma Rousseff à la présidence du Brésil, le 1er janvier 2011, cinq de ses ministres ont été contraints à la démission pour cause de malversation. Un sixième, le ministre du travail, Carlos Lupi, est aujourd’hui accusé à son tour de corruption, et son départ paraît probable.

S’il a d’abord nié tout contact avec son présumé corrupteur et tout usage de l’avion privé mis par celui-ci à sa disposition, il a dû reconnaître les faits après la publication d’une photo compromettante. Il s’est contenté de justifier son mensonge par cette phrase cynique : « On ne peut pas se souvenir de tout ». D’autres personnalités sont dans le collimateur de la justice, à commencer par le maire de Sao Paulo, Gilbert Kassab, dont les biens ont été saisis.

Un système politique gangrené

Face à ces affaires, la présidente a réagi avec fermeté, et beaucoup rendent hommage au courage avec lequel elle a entrepris de faire le ménage dans son gouvernement. Elle n’en est pas moins fragilisée par cette succession de scandales, qui appellent à une profonde rénovation d’un système politique gangrené par les mauvaises habitudes des partis. Ceux-ci ont en effet pour règle de n’apporter leur soutien au gouvernement qu’en échange de portefeuilles dont ils entendent tirer un profit juteux.

La présidente sera-t-elle capable de mettre fin à ces pratiques ? Ce sera l’un des enjeux des mois à venir. Un large remaniement ministériel est attendu au début de l’année prochaine. Il est important, pour Dilma Rousseff, de reprendre l’initiative afin de convaincre ceux qui ne la croient pas à la hauteur de son illustre prédécesseur, le très populaire Lula.

Un taux de croissance largement positif

Pour le moment, la nouvelle présidente donne plutôt tort aux sceptiques. Porté au pouvoir grâce au soutien actif de Lula, elle reste fidèle à son héritage. Le Brésil demeure, sous l’autorité de « Dilma », un acteur majeur de la diplomatie mondiale et une puissance économique en forte expansion. Son taux de croissance demeure largement positif : il était de 7,5 % en 2010, il devrait être d’environ 4 % en 2011.

La baisse s’explique par les effets de la crise en Europe et aux Etats-Unis, mais Dilma Rousseff demande aux Brésiliens de ne pas céder à la peur face à une possible contagion. Les entreprises doivent continuer à investir, et la population à consommer, dit-elle.

Le développement des infrastructures

Avec un taux de chômage autour de 6 % et l’essor d’une classe moyenne dynamique qui encourage la consommation, la huitième économie du monde entend garder son rang au sein des BRICS, cet ensemble de pays émergents qui rassemble le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. La perspective de la coupe du monde de football en 2014 puis des Jeux olympiques en 2016 stimule en particulier l’indispensable développement des infrastructures – qui contribue aussi, il est vrai, à nourrir la corruption.

Economiste de formation, mais plus pragmatique que doctrinaire, la présidente, épaulée par son habile et expérimenté ministre des finances, Guido Mantega, a su trouver jusqu’à présent le bon équilibre entre rigueur budgétaire et politique sociale – même si plus de 15 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté.

Médiateur sur la scène internationale

Comme au temps de Lula, le Brésil entend tenir sa place sur la scène internationale. La voix de Dilma est sans doute moins forte que celle de son prédécesseur, dont elle ne possède ni l’expérience ni le prestige. Il est vrai aussi que la présidente a donné la priorité à ses voisins sud-américains pour se doter des moyens de mieux résister à la crise. Mais elle ne se désintéresse pas pour autant des grandes affaires du monde, notamment des révolutions arabes. Elle tente de jouer le rôle de médiateur entre les Etats en développement, dont elle fait partie, et les puissances établies, à commencer par les Etats-Unis et l’Union européenne.

Favorable au principe de non-ingérence, le Brésil s’est abstenu, au Conseil de sécurité de l’ONU, dans le vote sur l’intervention en Libye, mais Dilma se montre critique à l’égard des dictatures. Elle veut plaider à l’ONU pour une redéfinition de la « responsabilité de protéger », nouvelle expression du droit d’ingérence. A sa manière, moins spectaculaire, plus discrète, la nouvelle présidente reprend le flambeau que lui a transmis son prédécesseur.