La montée d’une droite radicale

 Dans plusieurs pays européens, des partis populistes gagnent des voix d’une élection à l’autre. Distincts de l’extrême-droite traditionnelle, ils sont unis dans le rejet de l’immigration et la dénonciation de l’Islam.  

  Assiste-t-on à un regain du populisme en Europe ? Sans doute, si l’on considère que des formations qualifiées de populistes progressent dans divers pays de l’Union européenne. Sous des dénominations diverses, des partis aux idéologies voisines, souvent classés à l’extrême-droite, sont venus bousculer, avec plus ou moins de succès, l’équilibre politique de la Belgique, des Pays-Bas, de l’Autriche, de la Hongrie, de la Suède ou de l’Italie, sans parler de la France, où les thèmes du Front national influence le programme de la droite.

 

 L’émergence de ces formations dans le paysage politique européen n’est pas nouvelle, elle remonte à une vingtaine d’années au moins, mais le populisme dont elles sont porteuses semble désormais bien installé, brouillant les rapports de forces habituels et s’invitant même parfois au gouvernement. En Belgique, la Nouvelle Alliance flamande (NVA) de Bart De Wever détient la clé de la future équipe gouvernementale tandis qu’aux Pays-Bas la coalition au pouvoir a dû accepter les conditions du Parti de la Liberté (PVV) de Geert Wilders et qu’en Italie la Ligue du Nord d’Umberto Bossi appartient à la majorité de Silvio Berlusconi. Ailleurs ces partis restent très minoritaires mais pèsent, comme en Hongrie ou en France, sur les choix de la droite.

 

 La crise de la représentation

 

 Le système politique dominant en Europe depuis un demi-siècle, qui se caractérisait par une alternance tranquille entre sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates, est menacé de voler en éclats. Ces deux grands partis, attachés l’un et l’autre à la construction européenne et au maintien d’un Etat-providence, ne sont plus majoritaires comme ils l’étaient naguère. Ils sont victimes notamment de la crise de la représentation qui affecte toutes les démocraties. Des groupes marqués par le nationalisme, la peur de l’immigration et le rejet de l’Islam ont surgi à leurs côtés sur la scène politique et demandent à être entendus.

 

 Les politologues mettent en garde contre une identification trop hâtive de l’extrême-droite et du populisme. Le populisme, disent-ils, n’est pas le monopole de l’extrême-droite, il peut caractériser des partis de toutes tendances, y compris à gauche. Ce qui est sûr, c’est que les nouvelles formations qui progressent en Europe partagent la même méfiance à l’égard des élites, le même mécontentement à l’égard des partis en place, la même tentation du recours direct au peuple par delà les institutions représentatives, le même culte du chef. Ces traits sont, entre autres, caractéristiques du populisme.

 

 L’oubli du nazisme

 

 Le fait nouveau est que ces partis ne se reconnaissent pas dans l’extrême-droite traditionnelle et en particulier dans les références au nazisme, au fascisme et à la deuxième guerre mondiale. Pour eux, cette histoire appartient au passé. Ce n’est pas un hasard si le discours de Marine Le Pen se distingue nettement de celui de son père sur ce sujet. De même le langage de Heinz-Christian Strache en Autriche est différent de celui de Jörg Haider. Les spécialistes préfèrent parler, à propos de ces partis, d’une droite radicale.

 

 « On assiste à une grande rénovation des droites identitaires », expliquait il y a quelques mois au Monde le chercheur Jean-Yves Camus (Le Monde du 18 mars), qui notait l’avènement d’ « une nouvelle génération de de partis de droite radicale ». Le refus du multiculturalisme et la dénonciation de l’Islam sont aujourd’hui, par delà leurs différences, le principal thème de ces groupes soucieux de défendre l’identité ethnique face à la diversité des cultures.

 

 L’Europe s’habitue au populisme. Il y a dix ans, l’entrée du parti de Jörg Haider dans le gouvernement autrichien avait suscité une levée de boucliers au sein de l’Union européenne, qui avait appelé à des sanctions. Aujourd’hui les gouvernements européens enregistrent sans s’indigner la montée d’une droite radicale dont parfois ils reprennent, en partie, les idées.