A Brasilia, le procès de la corruption

 La Cour suprême juge, sept ans après les faits, des proches de l’ancien président Lula pour d’importants détournements de fonds. La lutte contre les malversations est la première condition pour renforcer la démocratie brésilienne et favoriser la relance de son économie.  

Au moment où la présidente brésilienne, Dilma Rousseff, tente de relancer une croissance qui a montré au premier semestre quelques signes de faiblesse, le procès du mensalao (grosse mensualité), ce scandale financier qui touche des proches de l’ancien président Lula et met en évidence des détournements de fonds au profit des élus du parti présidentiel, fait apparaître en pleine lumière le principal handicap du système : la corruption. Les faits en instance de jugement devant la Cour suprême remontent à 2005 mais personne ne croit que les pratiques dénoncées par la justice aient cessé depuis sept ans.

 

 Le Brésil figure aujourd’hui au 73 ème rang sur la liste établie par Transparency International – classement qui le place parmi les Etats les moins vertueux du monde avec une note de 3,8 sur 10. Sa vie politique continue de reposer sur le clientélisme et sur le népotisme, dont s’arrangent une bureaucratie et une multitude de partis plus soucieux de se partager les prébendes de l’Etat que de travailler pour l’intérêt général. Le Parti des travailleurs, qui était censé, sous la direction de Lula, introduire un peu plus de transparence et de probité, n’a pas fait grand-chose pour améliorer la situation.

 

 Il est vrai que Mme Rousseff s’est montrée plus ferme que son prédécesseur en se séparant de six de ses ministres compromis dans des affaires douteuses, mais il lui faudra faire preuve d’une grande persévérance pour aller au bout de son effort. Pour gouverner, la présidente brésilienne, comme Lula avant elle, doit s’appuyer sur une coalition de plusieurs partis. Son principal partenaire, le PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien), animé par l’ancien président José Sarney, aujourd’hui président du Sénat, est une formation de centre droit, symbole de l’ancien système, dont l’alliance avec le Parti des travailleurs est largement opportuniste. A l’approche des élections municipales des 7 et 28 octobre, qui sont, à deux ans de la prochaine présidentielle, l’équivalent d’élections à mi-mandat, le moment n’est pas vraiment propice au changement. 

 

Une entrave à la modernisation

 

 Sixième puissance économique du monde, le Brésil est entravé dans sa modernisation par des pratiques politiques qui favorisent le maintien d’une pesante bureaucratie et qui freinent les projets de développement industriel. Le programme d’investissement que vient d’annoncer Mme Rousseff dans le domaine des routes et des chemins de fer passe par d’importants partenariats avec le secteur privé : il ne prendra son plein effet que s’il est accompagné d’un combat résolu contre la corruption. Le rôle moteur de l’Etat dans l’économie, qui est une des particularités du Brésil, ne peut être efficace que si l’argent public n’est pas utilisé à d’autres fins par ceux qui en disposent.

 

 Le temps est-il venu d’assainir les relations entre la politique et les affaires ? Certains le pensent, à l’image de Joaquim Barbosa, juge à la Cour suprême et futur président de cette institution, qui, interrogé par Le Monde, dit espérer que l’actuel procès « va provoquer une prise de conscience » et qu’il « marquera la rupture d’un modèle de corruption dans ce pays ». La justice brésilienne peut être saluée pour la persévérance dont elle a fait preuve en allant jusqu’au bout de son action, contre ceux qui considéraient, comme le souligne M. Barbosa, « que le dossier allait mourir de sa belle mort dans le tiroir d’un juge ».

 

 Mais il faudra aussi que soit engagée une réforme en profondeur du système politique, qui modifie notamment le financement des partis, pour rénover la démocratie brésilienne. C’est à cette condition que la relance de l’économie pourra donner les résultats escomptés. C’est aussi à cette condition que le Brésil continuera d’apparaître comme le champion des pays émergents.