Tsipras contesté sur sa gauche

La Grèce se dirige vers des élections législatives anticipées, après la démission du Premier ministre Alexis Tsipras. Celui-ci en attend un renforcement de sa majorité alors que l’aile gauche de son parti Syriza a fait sécession pour protester contre le nouveau plan d’aide européen accepté par le gouvernement. Vingt-cinq députés de Syriza ont suivi l’ancien ministre de l’énergie, Panayotis Lafazanis, qui a créé un nouveau groupe parlementaire et un nouveau parti sous le nom d’Unité populaire. Cette nouvelle formation plaide pour un abandon de la politique d’austérité, un retour à la drachme et un refus de rembourser la dette.

Alexis Tsipras et Zoé Constandopoulou
Parapolitika.gr

La coalition quelque peu hétéroclite entre des anciens communistes, des ex-socialistes du PASOK, des écologistes, des gauchistes, des pro- et des anti-européens, n’aura pas résisté à l’exercice du pouvoir. Elle avait été créée en 2004 et s’était transformée en parti politique en vue du scrutin législatif de 2013. Selon la loi électorale grecque, le bonus de 50 députés accordé à la formation arrivée en tête vaut en effet pour un parti, pas pour une coalition de partis. Pour espérer avoir une majorité, la gauche radicale grecque, qui a connu une ascension vertigineuse au cours des dernières années, devait se regrouper dans un seul parti, quitte à admettre des tendances organisées en son sein. L’objectif n’a pas été atteint du premier coup. Il a fallu à Syriza attendre les élections de janvier dernier pour devenir le premier parti de la Grèce et frôler la majorité absolue au Parlement (149 députés sur 300).

60% de « non » au référendum

C’est l’une de ces fractions, la Plateforme de gauche, qui a mené la fronde contre Alexis Tsipras. Panayotis Lafazanis et ses amis rappellent les promesses électorales de Syriza, « trahies » selon eux, par le gouvernement. Ils s’appuient sur le résultat du référendum du 5 juillet. Plus de 60% des électeurs ont alors voté contre les conditions imposées par les créanciers pour que la Grèce reste dans la zone euro. Ce qui n’empêche pas – si l’on en croit les sondages – que 70% des Grecs sont pour l’euro contre le retour à la drachme.
Panayotis Lafazanis avait alors proposé un plan de sortie de l’euro. Il s’agissait d’appuyer la monnaie nationale grecque sur le stock de 22 milliards d’euros déposés par la BCE auprès de la Banque de Grèce qui auraient été purement et simplement « confisqués » et de refuser le remboursement de la dette, tout en demandant des crédits à la Russie et à la Chine.

Un nouveau programme

Le Premier ministre a rejeté ce plan. Il a préféré négocier avec les créanciers européens et le FMI un nouveau programme d’aide assorti de conditions draconiennes, en termes d’économies budgétaires et de réformes structurelles. Il a suivi le conseil de ses plus proches collaborateurs inquiets du saut dans l’inconnu que représentait le « Grexit » et soucieux de s’appuyer sur l’Union européenne pour mener à bien la modernisation du pays.
Dans la foulée de l’accord du 13 juillet entre la Grèce et les dirigeants de l’eurozone, Alexis Tsipras a fait adopter par le Parlement une série de lois répondant aux exigences des créanciers. Mais il n’a réussi qu’avec l’appoint des députés de l’opposition pro-européenne (le centre droit de la Nouvelle démocratie, le PASOK et Potami, une récente formation libérale). En revanche, une quarantaine de membres de son propre parti ont refusé de le suivre.
Tous n’ont pas encore rejoint le nouveau parti Unité populaire. La présidente du Parlement, Zoé Constandopoulou, qui a usé et abusé de ses pouvoirs pour retarder l’adoption des projets du gouvernement, n’a pas pris sa décision. L’ancien ministre des finances Yanis Varoufakis, qui a lui aussi critiqué l’accord avec les créanciers, ambitionne une carrière politique internationale à la mesure du talent qu’il se prête. Invité d’honneur d’Arnaud Montebourg à la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse, il rêve de créer un mouvement progressiste européen.
Le pouvoir de nuisance d’Unité populaire dépend de l’ampleur des défections au sein de Syriza et des personnalités qui rejoindront la nouvelle formation. Panayotis Lafazanis ne passe pas pour un leader charismatique capable d’entraîner les foules. La menace serait plus grave pour Alexis Tsipras si Zoé Constandopoulou ou si Alekos Alavanos, le fondateur de Syriza qui a été le mentor de Tsipras avant d’être écarté par son protégé, prenaient la tête de la fronde.

Rassembler les « drachmistes »

Unité populaire se veut la représentante des 60% de Grecs qui ont dit « non » au référendum du 5 juillet. C’est une ambition démesurée. Tout juste peut-elle recruter parmi les 30% qui, selon les sondages, prônent un retour à la drachme. Sur ce terrain, Unité populaire est concurrencée par le Parti communiste (KKE) et par l’extrême-droite d’Aube dorée. Il lui suffit cependant de grappiller quelques points aux prochaines élections – il faut au moins 3% des voix pour être représenté au Parlement —, pour gêner Alexis Tsipras et l’empêcher d’atteindre la majorité absolue.
Or c’est bien le but du Premier ministre démissionnaire : revenir au pouvoir avec une légitimité réaffirmée afin d’être en mesure de mener à bien les réformes engagées et de continuer dans une position de force les négociations avec les créanciers. Notamment sur la seule promesse qu’il semble capable de tenir, c’est-à-dire un rééchelonnement de la dette qui équivaudrait à un effacement au moins partiel, même si le mot n’est pas employé pour ne pas effrayer les Allemands. Sur ce point, Alexis Tsipras peut compter – et c’est peut-être un paradoxe —sur le soutien du Fonds monétaire international. Mais ce soutien n’est pas gratuit. Il ne sera assuré qu’en contrepartie des réformes. Il ne s’agit pas seulement de les voter, tous les gouvernements grecs l’ont fait, mais cette fois de les réaliser.